« Roooh, mais qu’est-ce qu’elle poste Sonyan en ce moment, elle nous emmerde avec ses pavés, on a du ménage en retard et on avance pas dans notre travail, dis ! Pour peu qu’on se fasse chopper par le boss, avec son design girly, on est pas dans la merde !».
Certes.
Je vous rassure, je ne garderai pas ce rythme de trois blogs par semaine, faut quand même pas déconner. Surtout que j’ai cru comprendre que pas mal d’entre vous me lisaient du travail (han, les glandus !) et je serais fort triste de nuire à la productivité de mes compatriotes et autres francophones.
Si j’ai le feu aux doigts et que je blogue autant en si peu de temps, c’est que j’ai plein de choses à vous dire de la plus haute importance.
Le problème étant que 1) je ne vais pas me relire faute de temps donc il y aura des grosses horreurs 2) je vais passer directement à 2012 alors que je ne vous ai pas raconté 2011. Vous m’entendez souvent parler de mon expérience épique en événementiel sans savoir quoi, mais cette année folle a tellement de rebondissements que je lui consacre un traitement un peu plus spécial que les autres. Mais ne vous inquiétez pas, ça sera raconté comme le reste.
Bref, en plus de vous décoller les rétines à coup de blogs infinis, je vous embrouille en faisant de mes racontages de vie un vrai puzzle.
Oui, ma cruauté est sans limite.
Appelez-moi Ramsay Bolton.
Nous sommes début 2012, espérée l’année du flouze, mais devenue un peu l’année de la loose.
(Je vous interdis toute autre suggestion de rime en ouze, des mineurs me lisent peut-être).
Après avoir démissionné de mon job de psychopathes et fait une petite pause psychologique en m’accordant trois mois en tant que professeur d’anglais à des petits de trois ans (oui, Sonyan chantant l’alphabet au milieu d’une vingtaine de chouinards nippons qu’ont chié dans leurs couches, vous aurez un post là-dessus aussi…), il est temps que je retrouve un autre travail.
Parce que même si j’étais moins pédophobe que je ne pensais (pire, je crois que j’aime les enfants… mais chut, c’est un secret. Je tiens à ma couverture de vieille aigrie), c’était ni ma vocation, ni la ruée vers l’or et en plus c’était à 1h30 de trajet de chez moi.
En toute honnêteté, j’étais un peu perdue à ce moment-là. Mon ancienne boîte m’ayant franchement rendue misanthrope, ayant mis un énorme coup de pied dans l’estime de moi-même point de vue capacité professionnelle… J’avais l’impression de ne savoir strictement rien faire.
C’est vrai, la seule chose que je sais bien faire, c’est parler japonais. Le reste… touche à tout, bonne à rien. J’ai des bases de plein de choses, mais rien que je ne maîtrise.
J’avais envie de faire de la traduction mais le monde du freelance est instable et je n’avais pas de quoi vivre avec les quelques demandes de traductions que je recevais.
Aaaah, oui parce que je ne vous ai pas dit !!!!
Suite à mon article Carrière Ephémère, une personne qui me suivait depuis quelques temps sur Twitter, savait que je galérais à mon travail d’événementiel… et m’a proposé de lui envoyer mon cv pour son école de français/traduction.
La vie est drôle, j’écris un article où je bitche sur mes anciens élèves (mais avouez qu’ils étaient copieux), et on me propose un job de prof alors que je terminais le billet en disant que j’étais vaccinée.
Mais l’école est sérieuse, forme des traducteurs et des interprètes ce qui promet des élèves avec un haut niveau et motivés, et surtout l’entreprise se divise entre cette école et un service de traduction.
J’envoie donc mon cv et suis embauchée. D’abord en tant que professeur, mais après avoir passé un test, aussi en tant que traductrice freelance.
N’étant pas à plein temps, je n’avais pas assez pour vivre pour me contenter de ces deux seuls jobs, mais ai travaillé pour cette entreprise le week-end en tant que professeur et traductrice freelance d’octobre 2011 jusqu’à maintenant.
Mais « malheureusement », je n’ai rien de spécial à raconter sur le sujet puisque tout s’est toujours parfaitement bien passé, j’ai eu des élèves super, et la personne qui me suivait et m’a demandé mon cv est entre temps devenue mon ange gardien et un de mes meilleurs amis. Parfois je me dis que je n’aurais pas toujours tenu le coup si je ne l’avais pas rencontré.
Voyez, il ne m’arrive pas toujours que des merdes, j’ai aussi de belles rencontres et bonnes expériences, rassurez-vous.
Mais avouez que si ça fait plaisir, c’est nettement moins drôle à lire (je vous vois bien vous ennuyer depuis dix lignes, ne niez pas), donc concentrons-nous sur les emmerdes !
Et la morale de cette histoire, c’est quand même bien qu’en écrivant des vacheries sur ce blog, j’avance dans la vie.
Donc continuons dans la joie et l’allégresse.
Bref, je travaille donc le week-end, fais quelques traductions à la maison quand ça tombe, mais ça reste irrégulier et ne nourrit pas son homme, même anorexique.
(J’ai bien fait d’écrire ce blog sur les TCA, j’ai même étoffé l’éventail de mes vannes).
Au cours de mes recherches, je trouve une entreprise à seulement deux stations de chez moi qui fait des sites web et cherche un nouveau développeur.
Je fais des sites à la zob depuis l’adolescence, mais avec un niveau franchement amateur. J’ai appris les rudiments sur le tas en cherchant des tutoriels sur google selon ce que je voulais faire, mais n’ai jamais vraiment appris proprement. J’étais ce genre d’hérétique qui mettent leur css au milieu du html sans honte, voyez (je vous rassure, j’ai changé).
Mais je ne sais plus trop ce que je veux faire dans la vie et j’ai besoin d’un job, alors je postule au culot.
Très vite, je suis appelée pour un entretien qui se passe plutôt bien. Le patron est très jeune (32 ans) et celui qui l’accompagne a la tchatche.
Moi qui étais pourtant stressée, je ne sais pas pourquoi… une fois pendant l’entretien je me suis détendue et ça c’est très bien passé. J’ai avoué franchement que je n’avais pas un niveau professionnel -ça ne sert à rien de vendre des capacités qu’on a pas-, mais leur ai donné l’adresse de sites que j’avais fait et qui étaient toujours en ligne.
Je souligne que je bidouille un peu sur photoshop, toujours un niveau amateur mais que j’ai les bases.
Il y aurait du avoir un deuxième et troisième entretien, mais je ne sais pas pourquoi, coup de cœur pour moi ou cas sociaux pour rivaux, le patron me recontacte très vitre pour me dire qu’il a décidé d’annuler la suite des sélections et me prendre.
Tout se passe très vite et de façon très carrée, ce que j’apprécie franchement après toutes les entreprises boiteuses pour lesquelles j’ai postulé dans le passé.
Je commence le travail, on me donne des choses simples comme la création de pages web pour téléphone portables. Je n’en ai jamais fait, mais c’est nettement plus simple que des versions bureau, tout se passe bien. On me demande aussi de faire quelques bannières, rien d’insurmontable même à mon niveau.
Je suis en période d’essai pour six mois avec une paye très basse mais ça me change pas tellement d’avant, et surtout cette fois j’ai un confort de vie : l’entreprise est à deux pas de chez moi et interdit les heures supplémentaires.
Mon boss est un des rares Japonais sur terre à vouloir privilégier sa vie de famille. Alors on vient à 9h30 et on repart à 17h30, point barre. En contrepartie, des comportements qu’on voit très souvent dans les entreprises japonaises comme un salarié qui se tape une sieste sur le bureau sont proscrits.
Il nous demande que 8h par jour et pas plus, alors pendant ces 8h, on bosse.
Comme je venais de passer un an à rentrer à minuit, autant vous dire que même pour une paye n’avoisinant même pas les 150 000 yens par mois, ça m’allait. D’autant que ces salarymen qui glandent toute la journée pour se mettre à bosser de 17h à 22h m’ont toujours exaspérée (vous croyiez vraiment que les Japonais travaillent non-stop du matin jusqu’au soir ?).
Je n’ai toujours pas de confort matériel, mais j’ai au moins un confort de vie.
L’entreprise est nouvelle et très petite, il y a peu de monde mais chaque employé se montre plutôt gentil.
Le business est divisé en deux activités : la création de sites web d’un côté et un service de vente en ligne de produits de beauté de luxe dirigé par la femme du boss d’un autre côté.
J’aurais bien aimé travailler sur le site des produits de beauté car ça me parlait bien niveau visuel, mais je me retrouve à photoshoper des vieux avocats dégarnis.
Bah, c’est bien aussi.
Tout se passe bien… jusqu’à la fameuse soirée d’intégration que je vous ai raconté dans mon billet précédent.
Vous avez tous été très choqués par cette soirée et franchement, y’a de quoi. J’étais réellement au bout du rouleau car je sortais déjà d’une expérience professionnelle pas terrible, en plus il m’attaquait sur LE point faible et enfin, je venais juste de rentrer dans cette boite. Pas terrible comme première impression.
J’ai eu très mal, je l’ai haï. Dans mon cœur y’avait que de la rage et de la haine à ce moment-là.
Et après cette soirée, j’ai rasé les murs un moment pour ne pas le croiser ou me retrouver seule avec lui.
Il ne devait pas être bien fier non plus, car si avant cet épisode il était plutôt poli, après il a eu tendance à baisser le nez et faire comme s’il ne me voyait pas.
Ca a duré un moment et cet épisode est resté tabou jusqu’à maintenant, je dois l’avouer.
Mais même si vous l’avez sûrement détesté vous aussi, je dois vous dire que j’ai appris à l’apprécier par la suite. Bah oui, ça arrive. Qui n’a pas haï Jaime Lannister pour l’apprécier ensuite ?
Ben dans la vie c’est comme dans Game of Thrones, les gens sont ni tout blanc ni tout noir.
Et lui, c’est un Jaime Lannister. Bon, la bogossitude en moins.
Par sa façon de s’exprimer très grossière et ses fréquentations, je me suis souvent demandé s’il ne venait pas du milieu Yakuza. A fortiori parce qu’il lui manque une phalange.
Et puis aussi c’est un homme très seul, manifestement très complexé par sa toute petite taille (oui, il tient de Tyrion aussi, il cumule).
Après l’avoir côtoyé quotidiennement pendant deux ans, je peux dire que malgré son côté aigri, c’est quelqu’un avec un grand cœur.
Juste très solitaire, qui se met minable tous les soirs et se donne en spectacle dès qu’il a un coup de trop dans le pif. Je ne compte pas le nombre de fois, où il est arrivé la gueule dans le cirage ayant perdu son porte-feuille ou son téléphone parce qu’il avait trop bu la veille.
Pendant les nomikai, certains collègues évitent de se mettre à côté de lui car ils savent qu’il dégénère assez vite.
Ironie du sort, il semble s’être beaucoup attaché à moi au fil du temps. Ainsi, s’il m’a humilié la première fois qu’il était bourré, quelques mois plus tard il me faisait des avances et m’a couru après à la sortie de l’izakaya pour me toucher les fesses.
Mon boss n’a rien dit sur le moment, mais il s’est fait passer un savon d’enfer en privé, d’autant que c’était déjà la deuxième fois qu’il avait un comportement déplacé envers moi.
Il y a quelques mois, Mr Catastrophe m’a accompagné à une de ces fameuses nomikai. Après quelques verres, Jaime-Tyrion est venu lui faire une tirade de sa voix tonitruante d’ivrogne pour dire que si Mr Catastrophe m’aimait, lui m’aimait le double et autres discours romanesques… pour finalement lui mettre la main dans le pantalon afin de vérifier que j’étais bien satisfaite.
Charmant.
Autant vous dire que Mr Catastrophe se souviendra autant que moi de sa première rencontre avec le personnage.
Jaime-Tyrion habite près de la salle de sport que je fréquente le matin avant d’aller au travail et il est déjà arrivé qu’on se croise et prenne le train ensemble. Il m’a avoué qu’il passait son salaire en alcool et en bar à hôtesses.
Au final je vous avoue que j’ai plus pitié de lui qu’autre chose, il est certainement bien plus malheureux que moi.
Voilà pour Jaime-Tyrion, je sais qu’il vous a marqué dans le récit précédent, donc je me permets de refaire un arrêt sur image sur lui.
Il s’est défoulé sur moi ce soir-là, mais si ça s’avère plutôt pathétique, c’était bête plus que méchant et je n’ai plus aucune rancœur contre lui.
Bref, il m’a fallu quelques semaines pour me détendre après cette soirée d’intégration absolument chaotique, mais les efforts de mon boss sont louables.
Moi qui viens de passer une année d’enfer, je dois avouer qu’il est aux petits soins. Il m’achète une série de logiciel, me paye une petite formation sur photoshop qui me permet de progresser, n’hésite pas à passer des heures à m’expliquer certaines choses pour me former.
Il explique plutôt bien, il est gentil… après tant de déceptions dans ce monde de brutes, je vous cache pas que je lui vouais une admiration et reconnaissance sans limite.
Je saoulais un peu tout le monde à coup de « J’adore mon boss ! », et venant d’une misanthrope, c’est pas rien.
Je ne vous cache pas que si j’ai toujours été bien acceptée dans l’entreprise, mon intégration n’est que partielle et mes TCA en sont en partie responsables.
Je ne vais pas manger avec eux le midi et reste manger mes merdes au bureau avec quelques autres nanas de mon âge. Mais ces espèces de Sansa Stark (oui, ce post est très Game of Thrones) ne parlent que de leurs mecs et de régimes à CHAQUE midi pour comparer leurs bento santé faits-maison.
Et moi de mon côté, avec mon shaker de protéines-poison et mes blancs de poulet cuits sans sauce et sans graisse, j’ai bien envie qu’on me foute la paix et qu’on regarde pas trop ce que je mange.
Surtout quand c’est pour me dire machinalement « Ca a l’aiiir boooon », pour réaliser en y regardant de plus près qu’en fait non, ce que je mange a l’air franchement dégueulasse.
Résultat, on s’entend plutôt bien, mais dès que la conversation tourne sur la ligne, je me ferme comme une huître malgré moi et lis un bouquin.
Au bout de quelques semaines, le boss vient me voir pour me parler de son nouveau projet : il vient de racheter un site de vente en ligne d’inkan.
L’enfer s’appelle inkan (印鑑)
Alors les inkan, qu’est-ce que c’est ?
Ce sont des sceaux faits en bois ou autres matériaux plus précieux qui servent à signer les papiers. Si, le nombre d’étrangers grandissant, la signature est parfois tolérée, généralement les Japonais signent via un espèce de tampon qu’ils font à leur nom et gardent toute leur vie.
Il est indispensable pour chaque souscription de contrat où gros achats comme l’achat d’une voiture ou d’une maison. Chaque inkan est unique et il permet donc de vérifier l’authenticité d’un document « signé ».
Si je ne m’abuse, ce système de sceau n’existe qu’au Japon, en Chine et en Corée.
Notre plus gros client pour les sites web est une entreprise qui présente des bureaux d’avocats, comptables et experts fiscaux dans tout le Japon. Toute personne souhaitant monter sa propre entreprise se tourne généralement vers ces services pour faire la paperasse et monter leur business… et doivent obligatoirement faire un set d’inkan au nom de leur entreprise.
Lorsque ils demandent les services d’hommes de loi pour les aider à monter leur entreprise, la création d’inkan fait souvent partie du pack.
Ainsi, en créant un site de vente en ligne d’inkan, mon boss souhaitait créer un partenariat avec notre client : notre client demandant la création d’inkan chez nous, et nous en glissant un petit prospectus proposant les services de ces experts avec première consultation gratuite.
Bref, on m’a demandé un nombre incalculable de fois pourquoi une entreprise web s’était lancé dans la création d’inkan qui n’a strictement rien à voir, voici enfin la réponse à ce mystère.
A l’époque, mon boss a d’autres projets pour moi (il hésite à se lancer dans les jeux vidéos pour mobiles, son meilleur ami de lycée étant un des leaders sur le marché japonais et lui proposant de l’aider à s’y mettre) , mais ils sont encore loin d’être engagés.
Mes collègues sont occupés à leurs propres tâches et il n’y a que moi qui vient d’arriver qui n’ai pas de travail précis et me contente de donner un coup de main par-ci par-là pour apprendre. Donc comme le projet est aussi nouveau que moi, et que je suis la moins occupée de tous, il me demande de donner un coup de main sur ce projet en attendant de me faire travailler sur autre chose.
Remettre à neuf le site d’inkan, gérer les commandes, les fournisseurs, l’envoi etc.
A ce moment-là, il me dit qu’il compte créer une petite salle annexe avec des employés en baito qui s’occuperont de la confection des inkan mais que peut-être en attendant, je devrai m’en occuper. Ne serait-ce que pour apprendre comment ça marche et pouvoir superviser ces personnes.
L’idée qu’une française se retrouve au Japon à faire un job complètement improbable (graveuse d’inkan !) me fait sourire. Je suis curieuse et franchement, c’est toujours mieux que de laver des chiottes des hommes comme j’étais obligée de le faire chaque matin en arrivant au travail dans mon ancienne boîte.
D’autant plus que c’est temporaire, donc sur le coup je suis plutôt enthousiaste.
En quelques jours, mon patron m’apprend ce qu’il sait (soit pas grand-chose en fait), me donne la liste des fournisseurs, me montre comment marche le tableau d’administration du site de vente, comment on confectionne les inkans, le logiciel pour dessiner les patronymes et j’en passe.
Il me donne les bases, tous les codes et cartes des comptes et banque et… en gros, débrouille toi.
Il avait d’autres occupations, donc même s’il surveillait de temps en temps ce que je faisais, je dois avouer que j’avais complètement carte blanche. Il m’a dit de lui-même : « ça t’apprend à gérer une entreprise ».
Mince, je passe de conchita à grande intendante des inkans, quelle promotion de carrière inattendue !
On postule pour de l’événementiel et on lave des chiottes, on postule comme développeur web et on grave du bois.
Ma vie est franchement palpitante.
Et mon blog mérite de jour en jour un peu plus son titre.
Mais je dois l’avouer, je suis contente de la confiance donnée. Et surtout, je suis bien dans mes basques : personne sur le dos !
Ok, j’ai jamais été passionnée par des tampons, mais je faisais ce que je voulais !
Il n’y avait strictement rien de fait (à part le site très moche qu’on avait racheté), aucun système, aucune règle.
J’avais tout à faire.
Je n’ai pas la formation, mais peu importe : on est en 2012. Google est mon ami, fidèle au poste, et je lis quelques dossiers sur la gestion de stock, les finances, le listing, le SEO, le web marketing… les inkan.
Bordel, je dois tout apprendre sur les inkan.
Le nom des matériaux (je les connais plus en japonais qu’en français), leur propriété, les différentes tailles, les différents types.
Car c’est beaucoup plus complexe qu’on ne le croit figurez-vous.
Toi, petit étranger venu t’installer au Japon. Je sais ce que tu as fait ! Tu es allé dans les boutiques d’inkan un peu partout, n’avais aucune idée de quoi acheter, a vu que ça coutait un bras, donc tu as pris le plus petit en bois : le moins cher.
Mais non, en fait ça ne se passe pas comme ça. Y’a des règles. Ben oui, on est au Japon, depuis quand y’a pas de règle pour quelque chose ?
Et comme tu RÊVES d’un blog sur les inkan que t’en dors plus la nuit, voilà un petit topo. Ne serait-ce pour ceux qui n’en n’ont toujours pas ou auront à en acheter un, s’ils veulent savoir comment choisir.
D’abord y’a trois types d’inkan.
Le jitsuin 実印
C’est celui qui sert à signer tous les papiers importants : assurance, mariage, naissance, achat d’un appartement etc.
Comme il signe tous les moments importants de votre vie, il doit normalement contenir votre nom ET votre prénom, et être enregistré à la préfecture. Si vous n’avez pas enregistré votre inkan, vous n’avez pas l’assurance de l’authenticité de votre contrat, hé oui.
Vu son importance, les Japonais n’hésitent pas à mettre le prix pour celui-là : ambre, corne de buffle, titane… ivoire.
Oui, le Japon et la protection des animaux ça fait deux. Par quelques contournage de lois douteux, ils vendent encore de l’ivoire. Soit disant que ce serait de l’ivoire procuré avant la loi de 1973. Imaginez leurs stocks depuis 30 ans pour en vendre quotidiennement…
Lorsque je reçois les papiers d’autorisation de vente d’ivoire, il est souligné en gros que je n’ai pas le droit d’en vendre à des étrangers puisque c’est interdit à l’étranger.
Si possible, ça arrangerait ma conscience de ne pas en vendre tout court.
Pour un jitsu-in, le diamètre de l’inkan est relativement gros : 13,5 à 15mm pour les femmes, 16,5 à 18mm pour les hommes (oui oui, suivant ce que tu as entre les jambes, la taille change).
Le Ginko-in 銀行印
Comme son nom l’indique pour les japonisants, c’est l’inkan pour tous les papiers concernant la banque. Emprunt, investissement, nouveau compte.
On y écrit que le nom de famille seulement, il fait entre 12 et 13,5mm pour les femmes et 13,5 à 15mm pour les hommes.
Le Mitome-in 認印
C’est l’inkan qui ne sert à rien d’important, si ce n’est signer les petits papiers comme la réception d’un colis, la signature d’un reçu ou autre.
Bref, les petites signatures de la vie de tous les jours.
Il indique que le nom de famille et est très fin : 10,5 à 12mm, homme ou femme.
Vous l’avez compris, les petits inkans pas chers qu’achètent presque tous les étrangers en arrivant sont censés servir à réceptionner le chocolat et le foie gras envoyé en colis par maman seulement.
Et n’a donc pas vraiment de valeur.
Vous croyiez pas que les Japonais signaient leur contrat de mariage avec les petits inkans en plastiques tout nases vendus à moins d’un euro dans les 100 yens shop quand même ?
Bref, à moins qu’un Japonais l’ai fait pour vous, les trois quart des étrangers utilisent des inkan « pas conformes ». Bon, ça n’empêche rien dans la vie de tous les jours, mais niveau authenticité ce n’est pas tout à fait ça.
Pire dans mon cas où à Osaka, le vendeur a refusé de faire un inkan avec mon nom de famille, comme quoi il ne rentrerait pas. J’ai donc utilisé pendant sept ans un inkan avec mon prénom en katakana dessus…
Mon ami Raphael, s’est également fait refuser ET le nom de famille, ET le prénom. Il a signé les papiers les plus importants de sa vie avec un inkan indiquant « Raph ».
Fantastique.
A l’époque je me disais, bon je ne suis pas japonaise, ça rentre pas, tant pis.
Bullshit.
Pour en avoir fait tous les jours pendant un an et demi, je peux vous le dire. CA RENTRE.
J’ai fais des inkans pour des « Muhammad Benlalla » sans problème.
Juste, c’est plus chiant à faire.
Mais pas impossible. Donc vous faites pas prendre pour des pigeons quand on vous dit qu’on peut pas vous faire votre tampon, c’est pas vrai.
Par contre, certains prennent des frais supplémentaires pour les noms de gaijin, hé oui, y’a pas de petits profits.
Bref, y’a aussi tout plein d’autres règles infinies sur les inkan pour entreprise mais on va peut-être pas en faire un cours en amphi non plus, donc passons.
Bref, me voilà donc à apprendre toutes ces règles et propriétés.
Tout le vocabulaire.
Et la confection. Poncer l’inkan, le polir, le nettoyer, le reponcer, le repolir, le graver, le reponcer sur papier fin pour qu’il soit bien plat, et tester le tamponnage avec force dans les bras pour faire un tampon PARFAIT et l’envoyer au client.
Très important de réussir un tampon parfait et fort en couleur :si le client foire ses tamponnages, il ne peut pas se plaindre d’un défaut de fabrication, vous lui avez envoyé la preuve que c’est lui qui est nul.
C’est un détail, mais un détail qui m’a pourri la vie et m’a valu une belle tendinite.
Il faut pas mal de force dans les bras pour le ponçage et ce foutu tamponnage parfait, mais le reste est divertissant. J’ai jamais rêvé d’inkan dans ma vie, mais j’apprécie de découvrir un métier typiquement japonais et de faire quelque chose de nouveau.
Même si le logiciel est très archaïque et peu pratique (donc à ceux qui se posaient la question, oui c’est en effet impossible de dessiner deux fois exactement le même inkan), j’aime bien dessiner les noms.
Mon patron me dit que je m’occuperai de tout jusqu’à avril-mai, puis quand le business démarrera, il commencera à embaucher d’autres personnes et je n’aurai qu’à organiser et superviser, tout en retournant à des tâches un peu plus en phases avec ce pour quoi j’ai été embauchée.
Sur le moment, ça ne me dérange pas du tout. Certes, je suis dans une pièce sans chauffage ni air conditionné ce qui fait que lorsque je suis à la confection, je travaille en doudoune, bonnet et écharpe, mais ça ne me prends qu’une infime partie de la journée donc je relativise.
Gérer les stocks, les commandes, les réponses aux clients et les expéditions, c’est nouveau et je fais tout à ma sauce donc ça reste divertissant.
Les mois passent, les commandes augmentent, j’essaie de gérer au mieux mon temps pour m’occuper du business d’inkan de A à Z et continuer mes tâches web en même temps.
Au mois de mai, la confection des inkan me prend une bonne partie de la journée donc j’attends avec impatience l’arrivée des petits nouveaux qui s’en occuperont pour que je puisse m’atteler à autre chose. J’ai même – à la demande de mon patron – rédigé le fameux manuel pour les petits nouveaux !
Mais personne n’est embauché. Les excuses sont diverses et plus ou moins valables.
Je forme toutefois une collègue censée m’aider, mais de toute évidence, poncer et graver du bois n’était pas le rêve de sa vie. Elle m’aide à la confection une semaine ou deux, puis s’arrange pour ne s’occuper que de répondre au téléphone et continuer le reste de ses tâches habituelles.
Mais moi au contraire, comme je dois m’occuper des commandes d’inkan toujours plus nombreuses chaque jour et que personne ne m’aide à la fabrication, on me retire petit à petit mes projets web pour que je puisse me « concentrer » sur les inkan.
Me « concentrer » sur les inkan, ca veut dire poncer, polir, reponcer, graver, repolir. Que de la joie quoi.
Au mois de juillet, ça devient l’enfer.
Le site a pris son envol et on reçoit 20 à 30 commandes par jour, ce qui veut dire que pour ne pas perdre pied, je dois en envoyer au moins autant. Sauf qu’une commande ne veut pas dire un seul inkan. Généralement les clients font un set des trois différents, quand ce n’est pas une entreprise qui fait une commande de 20 tampons pour leurs nouveaux employés.
Je me retrouve avec plus de 50 inkan à fabriquer par jour, ainsi que leur emballage, la préparation des bordereaux de livraison… et tout le reste. Les stocks, la paperasse des finances, la gestion des commandes, être à la disposition des clients etc.
Et ça a beau n’être qu’un petit bout de bois ou de plastique, les clients sont CHIANTS.
Ce sceau va leur servir toute leur vie, et puis ils en ont besoin dès demain matin pour signer le contrat de leur vie de caissier de combini, alors on hésite pas à vous faire recommencer le dessin quinze fois avant d’exiger qu’il soit envoyé dans l’heure, c’est pas possible d’être aussi lent !
Si au début être dans une petite pièce confinée ne me dérangeait pas plus que ça, quand on ponce du bois pendant 8h d’affilée ça devient vite invivable. La sciure vole, me rentre dans les yeux, dans la bouche.
Je tousse de plus en plus en manquant de m’étouffer, même le soir à la maison, et ai les yeux irrités et tout gonflés. Ce qui a finit en conjonctivite sur plusieurs longues semaines.
En plus, s’il suffit de se couvrir en hiver pour pallier le manque de chauffage, en été… et ben il faut prendre sur soi. Et qui a déjà vécu un été japonais et son humidité étouffante, comprendra bien que travailler pendant 8h dans une petite pièce poussiéreuse sous 35° ressentis 45° fait légèrement péter un boulon.
Il faut que je parle à mon patron, je ne peux pas continuer éternellement à faire ça. Et comme en juillet on arrive à la fin des six mois de ma,période d’essai, on a un petit entretien privé pour faire le point qui tombe bien.
Je lui dis ce qui ne va pas, la poussière, la chaleur, que je ne fais que ça depuis bientôt six mois alors que ça devait être temporaire et surtout que son activité de jeux pour mobiles prend forme et que j’y suis très intéressée.
Il s’excuse que le recrutement de nouvelles tête prennent autant de temps, que c’est pour bientôt etc.
Ensuite, comme ça fait déjà six mois que je m’occupe de tout toute seule et que j’ai quasiment tout mis en forme moi-même, il me propose de passer manager dès qu’il y a des nouveaux, avec une paye en adéquation avec mes reponsabilités.
Le bougre touche un point sensible, car mes études à Tokyo n’étaient pas gratuites et je rembourse encore et toujours mon prêt étudiant ce qui me pourrit un peu la vie depuis un moment avec mes payes au ras du sol dans une des villes les plus chères du monde.
Quand je serai enfin débarrassée de la confection, j’aurai beaucoup plus de temps pour travailler sur d’autres projets comme les jeux, mais pour l’instant que je patiente.
Bon, d’accord.
En plus la fin de la période d’essai est synonyme de petite augmentation, c’est pas Versailles mais c’est toujours ça et suffit à mettre du baume au cœur.
Donc je prends sur moi et continue de me demander ce que je fous là à chaque fois que je ponce un nouveau morceau de bois.
En septembre, toujours personne d’embauché, et toujours moi en train de mourir (même avec masque et lunettes de protection pour lesquels j’ai investi de ma poche pour travailler) dans ma pièce poussiéreuse.
On reçoit une énorme commande de NTT de 150 gros inkan à envoyer en moins de deux semaines. Sauf qu’ils sont gros et la confection prend environ 1 heure pour chaque… avec les autres commandes qui s’accumulent si je ne m’en occupe pas, c’est l’enfer.
C’est une commande à plus de 400 000 yens donc on ne peut pas se permettre de refuser… alors débrouille-toi Sonia.
Je reste plus tard le soir, je viens plus tôt le matin, je ponce, je grave, je ponce.
Putain les mecs, je ponce quoi.
Je suis le Chuck Norris du ponçage.
J’ai fais des études supérieures jusqu’à 26 ans, je suis trilingue, j’ai traversé le monde pour venir vivre à Tokyo… Et je ponce du bois du soir au matin.
C’est absolument fantastique, je pense même que c’est du jamais vu chez les Françaises échouées au Japon.
J’innove dans les jobs de merde. Sonia, la pionnière des expatriées qui poncent.
Waouw.
Comme je passe ma journée dans la sciure, je m’habille comme un sac et ne me maquille plus, de toute façon je vais finir dégueulasse.
Mes collègues m’appellent « L’artisan de France », et le pire, c’est que c’est même pas pour se foutre de ma gueule. Y’a vraiment de l’admiration dans leurs yeux quand moi je suis au bout du rouleau.
Bref, y’a pas de sot métier, j’ai rien contre les gens qui poncent et gravent du bois.
Mais j’avais juste d’autres projets de carrière quand j’ai fais 10000 bornes pour venir jusqu’au Japanisthan que de finir au goulag de l’inkan.
Par un drôle de miracle, je boucle toutes les commandes plus celle de 150 inkan dans les temps. Mais je passe plusieurs heures chaque soir à la tâche du « tampon parfait » et chez NTT ils sont sans pitié, c’est des inkan très gros et très durs à tamponner qu’ils ont commandé.
Je crois que personne n’a aucune idée de ce que c’est tant qu’il ne l’a pas fait, mais c’est juste horrible.
A la fin de la semaine, je me tape une tendinite dans le bras droit qui me réveille la nuit tant ça me fait mal, et qui ne guérit pas puisque je continue de poncer et tamponner tous les jours.
Je parle une nouvelle fois à mon patron des problèmes de poussières, que je suis seule, que j’aurais besoin de quelqu’un d’autre etc.
Mais mon boss est accaparé par le lancement de son activité de jeux, et ça rentre par une oreille pour ressortir par l’autre.
Donc en septembre 2012, j’en suis là.
J’en ai marre.
Je ne gagne pas super bien ma vie. Je vis, mais tout juste. L’école et la traduction du week-end servent à envoyer en France pour rembourser mon prêt, je ne le dépense pas.
Ma paye de l’entreprise est assez basse, je tiens le mois mais pas de quoi économiser non plus. Si tombais malade et devrais me faire soigner un truc ou quoi, je ne pourrais même pas payer.
Outre les finances pas terribles, j’en suis venue à détester mon job. On m’a retiré tout ce qui était web pour que je fabrique ces sceaux à la con toute la journée, j’ai le bras et la main qui me lancent, j’ai mal aux yeux, je tousse tout le temps.
Point de vue privé, c’est pas terrible non plus. J’ai peu d’amis et je les vois jamais. Je suis célibataire depuis bientôt un an et quand on voit les connards que j’ai eu avant je n’y crois plus du tout.
Sans oublier le fait qu’à cette période je vomissais plusieurs fois par jour quotidiennement et commençais à me rendre compte de l’étendue des dégâts.
Je travaille du lundi au dimanche pour pas un rond, je me fais chier, je me sens seule, moche, nulle. Le Japon que j’aime, je n’en profite plus parce que je n’ai ni le temps, ni les moyens.
Là, tout se résume à aller au boulot et poncer, faire des traductions, faire des cours, ne rien dépenser et être chez moi à méditer mes problèmes de bouffe.
Je suis sur les nerfs tout le temps, tout m’énerve, je me plains tout le temps.
Cette vie est vaine.
En tous cas, depuis un peu plus d’un an elle ne vaut plus d’avoir sacrifié amis et famille. Je me dis qu’il y a des promesses que j’ai faite à des gens en France que je ne tiendrai jamais car avec ma semaine de congé par an je n’aurai jamais le temps.
Et pour quoi ? Pour poncer du bois, être pauvre et me sentir seule. Je suis restée après 2011 et ses folies mais ce que je reconstruis derrière n’est pas si terrible.
Ça ne vaut plus le coup. Je suis fatiguée.
J’ai envie de m’en aller cette fois.
J’ai envie de prendre un sac à dos, de tout plaquer, et de me casser loin d’ici pour voir le monde.
Les gens qui me connaissent bien savent que je voue un culte à l’émission Pékin Express. Oui je sais, c’est truqué, c’est de la télé réalité pour ménagère de moins de 50 ans pigeon de l’audiovisuel tout ce que vous voulez, mais ça on s’en fout. Ce que j’aime moi, c’est voir tous ces pays, ces paysages, les rencontres, et les candidats qui vivent des trucs de fous qui les marquent à vie.
Faire un Pékin Express maison, le rêve de ma vie !
Oui à ce moment-là, je me prends à rêver de partir et voir ce qui se passe ailleurs.
Je vous écris mon blog sur mon baito et pour me souvenir de tout, relis des mails envoyés en 2010.
Je m’étonne parce qu’à l’époque, je dis déjà que mon seul regret de m’installer au Japon, c’est de ne pas partir voir le monde. Que si jamais je n’ai pas mon visa pour 2011, alors peut-être que je partirai voyager.
J’essaie d’imaginer un nouveau rêve pour ma vie, je me renseigne sur les différents visas des différents pays, lis des blogs de voyageurs.
Mais… en vérité je ne me sens pas prête.
Je suis une dégonflée.
Le Japon représente 10 ans de ma vie, depuis mon tout premier voyage en 2003. Et même si je n’ai plus une vie qui me permet de profiter des aspects que j’aime de ce pays, je l’aime toujours.
Je m’y sens chez moi.
Et puis surtout, si je venais à le quitter, je refuse que ce soit en situation d’échec, quand tout va mal.
Je suis faible et tout ce que vous voulez, mais je suis pas une perdante.
Je refuse d’en devenir une.
Je me trompe, je me prends des baffes, je me fais avoir, je tombe. Peut-être même plus que la moyenne. Mais y’a pas moyen que je me relève pas.
Si je quitte un jour le Japon, c’est pas en perdante quand je me sens au plus mal.
Sinon, c’est comme si toutes les années que je lui ai consacré se transformaient en pitoyable échec. Comme si je fuyais.
Et alors que ce pays a motivé mes choix de vie depuis l’adolescence, ce serait partir sur un souvenir amer. Avec de la rancœur peut-être.
Je refuse.
Et peut-être qu’en fait je ne veux pas partir et que c’est juste parce que je suis dans une mauvaise passe. Peut-être que si tout allait mieux, je n’aurais plus du tout envie d’aller voir ailleurs.
Alors je décide de réessayer encore une fois. Tout recommencer, tout faire pour améliorer ma situation et être heureuse.
Et quand j’y arrive, je saurai. Si je veux rester ou finalement partir quand même à la découverte d’autres pays.
Je me donne jusqu’à la fin de mon visa (avril 2014) pour ça, et à ce moment là, selon ma situation, je saurai si j’ai envie de le renouveler ou non.
C’est parti, ni une ni deux, je recommence à chercher du travail. Si possible dans une branche qui me plaît avec aucune seconde activité qui n’a rien à voir comme coupeur de tronc ou croque-mort où, avec ma chance, je serais susceptible de finir.
Malheureusement, j’ai utilisé ma semaine de congés pour rentrer en France en mai pour un mariage et n’en ai plus.
Trouver des excuses pour m’absenter à des entretiens s’avère assez difficile à la longue et je dois me contenter des entreprises qui m’intéressent vraiment.
J’ai plusieurs ouvertures sérieuses qui se terminent en eau de boudin… J’ai l’impression de revivre 2010.
En novembre, je croule toujours sous mes inkans et ma déprime, la seule idée qui m’aide à me lever du lundi au dimanche, c’est celle de réussir et soit profiter de cette réussite, soit aller voir ailleurs.
Comme je suis toujours dans ma petite pièce poussiéreuse, je prends quelques libertés pour pas devenir folle comme écouter de la musique pour couvrir le bruit des machines à graver. De l’autre côté de l’open space, on doit croire que je vis à la cool. Je suis toute seule, je grave en écoutant Bigbang et Francis Lalanne (j’ai des lubies étranges des fois), je fais ce que je veux.
Personne ne se doute qu’en fait je speed pendant 8h en faisant cinq choses à la fois et que je suis à bout de force.
J’ai bien reparlé à mon patron mais la tête dans ses jeux, il m’oublie dès qu’il n’a plus les yeux sur moi.
Un de mes collègues qui semble croire que je me la coule douce demande à travailler lui aussi aux inkans.
Je suis au top de ma vie, enfin quelqu’un qui accepte de faire cette merde avec moi !
Je comprends vite qu’il ne s’imagine pas une seconde de l’énergie que ça demande quand je le vois se poser tranquillement avec son café à côté des machines à siroter tout en feuilletant des revues plutôt que de bouger son cul.
Mon patron me demande de le former en 2 semaines, en 2 mois il ne s’en sort toujours pas. Il mélange les commandes, se trompe de taille, de matériau, de forme.
Il réussit même l’exploit DEUX FOIS d’envoyer un inkan pas du tout gravé (mais qu’est-ce qu’il a tamponné ?). Honnêtement, il est assez fascinant dans sa capacité à réussir chaque jour une connerie différente.
Finalement je dois toujours être derrière lui pour vérifier et rattraper. On a beau être deux, on met encore plus de temps qu’avant.
D’autant qu’il semble avoir de plus en plus de mal à accepter les reproches de quelqu’un qui non seulement est beaucoup plus jeune mais en plus est Français. Quand je lui dis qu’il y a des règles à respecter lors du dessin selon la police japonaise choisie, il ne me croit pas, il connaît quand même mieux les inkan que moi, il est Japonais ! Je suis toujours obligée de lui fournir des documents japonais pour lui prouver ce que je dis ce qui m’use au reste.
Très vite, je suis au bord du pétage de boulon. Après tout, j’ai appris toute seule dans une langue qui est même pas la mienne, pourquoi je devrais enseigner à un abruti qui pige rien et en plus ne me croit pas.
Au bout d’une semaine il commence à se plaindre. Il a mal au bras droit, aux yeux, à la gorge. C’est inadmissible de travailler dans ses conditions, il s’en va se plaindre au patron.
Dans la semaine, on avait un aspirateur à vapeur pour la sciure, un radiateur pour l’hiver et des travaux pour l’installation d’un système d’aération.
Je suis à la fois contente de ces améliorations et sidérée : j’en parle depuis six mois il ne se passe rien, l’autre se plaint une fois et hop, on change tout.
Malgré tout, mon collègue semble regretter amèrement d’avoir demandé de passer dans cet enfer. Quand il cherche le Graal du tampon parfait, tout l’open space l’entend se plaindre qu’il a mal au bras, que c’est trop dur.
En décembre, il donne sa démission, il a envie d’autre chose et veut changer de profession.
Comme je le comprends.
En janvier, du jour au lendemain, on accueille une nouvelle pour m’aider aux inkan. Car l’air de rien, les commandes sont toujours de plus en plus nombreuses et ça devient impossible à gérer seul.
Je suis assez soufflée, parce non seulement il a recruté cette personne sans même m’en parler, mais en plus il a consulté pour cela celle qui se contente de répondre au téléphone après avoir refusé de faire la fabrication.
Heureusement qu’il m’appelle « manager », quel beau foutage de gueule.
Je me dis très vite qu’il a très mal choisi sa nouvelle recrue, jeune femme apprêtée de 40 kilos tout mouillés… Elle se débrouille nettement mieux que mon ancien collègue, mais n’ayant aucune force dans les bras, elle n’arrive ni à poncer ni à tamponner.
Les tâches que j’exècre le plus me sont donc immanquablement allouées. Quelle chance !
Pire, comme elle travaillait comme graphiste avant, très vite mon patron lui demande de travailler plutôt sur le projet des jeux pour mobiles et de ne m’aider aux inkans que quand elle le peut.
J’explose.
C’EST-CE QUE JE DEMANDE DEPUIS DES MOIS, POURQUOI ELLE !!!!!
Mais on me répond le plus naturellement du monde que le problème, c’est que y’a que moi qui connaît aussi bien l’activité et qui arrive à être aussi rapide, donc comme je suis la plus efficace, c’est moi qui y reste.
D’un autre côté, comme les jeux rapportent plus, on préfère investir là-dedans plutôt que de recruter pour mes pauvres inkans à la con.
Les mois passent, et à part ma rencontre miraculeuse avec Mr Catastrophe, je n’ai pas avancé d’un iota dans ma quête du bonheur. En plus cette rencontre complique tout, car si j’ai enfin trouvé quelqu’un de bien, qu’est-ce qui se passe si je décide de partir ?
En février, je passe un coup de gueule. J’en ai marre d’être toute seule aux inkan, si la demoiselle a été engagée pour m’aider, pourquoi je me retrouve encore avec tout sur les bras quand c’est quasi impossible de faire tourner le truc seul ?
J’obtiens qu’elle me relaie tous les après-midi où je peux faire autre chose que de la fabrication.
Notre site est moche et comme tout le monde ne parle que des jeux et que personne ne s’intéresse à ma pauvre activité, je décide dans mon coin de refaire le site de A à Z, du codage aux bannières jusqu’au texte.
Je n’ai plus refait de site depuis des mois, je n’ai pas progressé mais je tente.
Et en un mois, en m’y collant deux trois heures par jours et en faisant corriger le texte par une collègue, j’ai tout refais.
Au moins pour cette partie là de la journée, je ne suis pas au bout du rouleau.
Quand la nouvelle version est en ligne, le site triple son chiffre de vente (double effet kiss cool d’une tristesse sans nom : encore plus de tamponnage et de ponçage).
Je regrette presque d’avoir fait ça, quand mon patron demande à me voir en privé.
Et là, contre toute attente… il m’annonce qu’il a été étonné de ce que j’avais fais pendant ce mois où j’étais un peu plus disponible. Qu’il avait peut-être fait une erreur en me laissant si longtemps à la fabrication des inkan alors que j’aurais pu me montrer efficace dans des domaines plus lucratifs.
Il me propose donc de passer dans l’équipe des jeux vidéos… mais que comme les inkans prennent un temps fou et demande une vitesse énorme, former une nouvelle personne à mon niveau prendrait trop de temps. Donc si je passais aux jeux, ce serait l’occasion de revendre le site des inkans pour pouvoir se concentrer exclusivement sur nos applications.
Et là, il s’excuse.
« Je suis désolé, tu as mis tellement d’énergie dans cette activité depuis plus d’un an, ça doit te faire mal que je veuille vendre quand tu as tout fait. Donc je te demande, si tu ne veux pas passer aux jeux et continuer, je comprends. »
IL EST CON OU QUOI ???
J’arrête à la seconde moi s’il le faut ! Des mois que je demande que ça !!!
Ouiiiiiii! Je suis euphorique. Enfin j’arrête !
Et comme je viens de tout refaire, il peut même se permettre de vendre le site encore plus cher qu’il ne l’avait acheté en plus des bénéfices engendrés… autant dire qu’il se fait plaisir.
Mais putain pas plus qu’à moi. Enfin, ENFIN !!!!!!
Dès le mois de mars, je passe dans l’équipe des jeux. On fait des « Otome games », des jeux de simulation d’histoires d’amour pour femme.
Des scénarios niais, des héros dignes du manuel de la drague que je vous ai fait (le « ore-sama » on y coupe pas !), du rose, des cœurs, des étoiles.
Tout ce qui me parle !
Je dois faire le site des jeux, mais on m’apprend aussi à coder le scénario, faire sous photoshop les décors, les expressions des personnages, dessiner les set de vêtements à vendre dans le jeu pour gagner en charme.
Je dois apprendre à maîtriser plein de choses inconnues en peu de temps, mais ça me plaît. Ok, les jeux puent la guimauve et les scénarios sont prévisibles, mais putain je viens de passer plus d’un an à poncer ! Puis j’apprends à faire plein de choses qui m’intéressent, mince je prends mon pied !
Même si des fois je soupire devant la niaiserie du scénario prévisible, je kiffe, je suis au top.
Ce même mois, Mr Catastrophe m’annonce qu’il y a beaucoup réfléchit et que si je décide de quitter le Japon pour aller voir ailleurs, alors il viendra avec moi.
Mes TCA c’est pas la joie, mais ça va mieux.
Je ne me sens plus seule. Je ressors, je refais des voyages.
Et même si je ne suis toujours pas riche, je commence à beaucoup aimer ce que je fais au travail. Je râle parfois pour le plaisir, mais y’a pas à dire, je n’ai plus envie de changer de job.
J’adore faire mes bannières, j’adore regarder des magazines pour m’inspirer des jolies tenues à dessiner, j’adore me rendre compte que je progresse et maîtrise de mieux en mieux les logiciels.
Les histoires des jeux sont drôles et quand le scénario est vraiment trop nul (attendez, une héroïne infirmière qui sauve quelqu’un d’une attaque cardiaque… en lui faisant boire un verre d’eau…NO WAY !), je me permets de le dire franchement alors mon boss fait remodifier.
Il me fait changer de place pour que je sois à côté de lui, et franchement ça me fait chier car il regarde toujours ce que je fais, mais on parle beaucoup et il me demande mon avis pour beaucoup de choses.
Après plus d’un an oubliée dans une salle insalubre, j’avoue que je me sens flattée.
A la fin du printemps 2013, si ce n’est les finances, tout va plutôt mieux. Je n’ai plus envie de pleurer quand je me lève le matin, j’aime bien ce que je fais.
Ma vie devient enfin stable.
Alors… est-ce que j’ai toujours envie de partir ?
Oui.
J’ai envie d’être libre. Je n’ai plus envie de travailler sept jours sur sept. J’ai envie de découvrir de nouvelles choses. J’ai envie de vivre pour moi, de prendre le temps, de me poser.
Ne serait-ce que pour mes problèmes de bouffe, vivre à cent à l’heure au pays des nomikai n’est pas l’environnement adéquat. Même si dans l’ensemble ça va mieux, ce n’est pas parfait et ce mode de vie 100% travail m’est toxique je pense.
J’ai besoin de souffler.
Je n’ai pas envie de quitter vraiment le Japon, mais si je le fais pas, je pense qu’un jour je regretterai de ne pas avoir su prendre le temps de penser à moi, et de ne pas avoir eu le courage de découvrir d’autres choses alors que j’ai toujours rêvé d’une vie de nomade.
Je reste sur mes positions.
Mr Catastrophe aussi, il ne s’inscrit pas à l’école comme il avait prévu au départ : son visa expirera en octobre.
Oui mais enfin ! C’est bien beau de faire des projets, mais quand on a pas un rond je sais pas où on va !
C’est bien d’avoir de l’ambition mais si on a rien derrière pour assurer…
Pendant l’année j’avais commencé à mettre de côté mais entre l’augmentation des impôts, le renouvellement de mon appartement (on repaye une caution « offerte »….) etc., je n’arrive pas à économiser assez.
Même en ne m’achetant strictement plus rien pour moi.
Je m’étais donné jusqu’à avril 2014, mais voilà mon échéance avancée au mois d’octobre. Et en octobre, je n’aurai jamais assez pour tout payer la vie sur place, les billets d’avion et j’en passe.
Et je dois avouer qu’après avoir mis tant de temps à trouver un travail que j’aimais bien, le quitter à peine je m’épanouis me faisait un peu mal.
C’est là que j’ai pris la décision de tenter un coup de poker sur ma vie.
Entre juin et juillet, j’essayé d’apprendre un maximum de choses et proposé un projet concernant les jeux à mon patron. Emballé, il a accepté et m’a laissé les rênes pour le mettre en route.
Alors pendant ces deux mois, je me suis donnée à fond pour lancer ce projet en plus de mes autres tâches.
Et ensuite… c’est fourbe mais, je lui ai posé un ultimatum.
Je pars ou je pars.
Mais soit je pars en démissionnant et du coup il se retrouve un peu embêté car il devra chercher quelqu’un d’autre sans avoir l’assurance que ça se passe bien.
Soit je pars en me mettant à mon compte, et on continue de travailler à distance. J’avais déjà préparé ma longue liste d’avantage comme le fait d’avoir quelqu’un sur place quand il sortira ses jeux en langue étrangère ou le fait de ne plus avoir à payer de taxes pour moi vu que je ne serai plus employée.
C’est un coup de poker dans le sens où s’il disait non, je me retrouvais sans emploi et sans assez d’argent pour partir par-dessus le marché…
Je lui ai expliqué diplomatiquement les différentes raisons de mon départ, professionnelles comme personnelles, il les comprend et en profite au passage pour s’excuser de m’avoir laissée moisir avec mes inkans.
Il est toutefois un peu sonné de mon annonce, il ne s’y attendait pas.
Il me demande de le laisser réfléchir.
Le lendemain, il avait augmenté considérablement mon salaire. Ce qui venait résoudre le seul point qui me faisait encore défaut : les finances.
Je sais que cette augmentation n’est pas anodine et ne veut dire qu’une chose : reste.
Mais cette fois ma décision est prise, même si l’idée de rester avec une paye acceptable et un job sympa reste tentant.
Sans faire exprès (je cherchais des tweets d’utilisateurs à propos de nos jeux), je tombe sur son compte personnel. Il tweetait qu’il avait fait une erreur de management monumentale, qu’en se concentrant sur son business il avait négligé le ressenti de ses employés et le regrettait. Qu’être un bon patron ne demandait pas que des stratégies marketing mais aussi des capacités humaines donc qu’il devrait faire plus d’effort.
Je me suis sentie un peu triste en lisant ça. Parce que même si je l’ai haï parfois depuis ma pièce sous la sciure, ce n’est pas quelqu’un de méchant.
Je le laisse réfléchir plusieurs semaines et, hasard total, il me convoque une nouvelle fois le 7 août, le jour de mon anniversaire.
Il accepte.
Pire, il décide d’avancer la sortie de ces jeux en langues étrangères et me laisser m’en charger depuis l’étranger.
Où que j’aille : j’ai un travail, j’ai une paye qui tombe.
Comme je lui ai dit que je partais aussi pour des raisons de santé, il me propose même un salaire entier pour seulement trois jours de travail par semaine, que je puisse prendre le temps de me reposer.
J’ai envie de pleurer, si c’est pas le plus beau d’anniversaire qui soit ça…
La suite, vous vous en doutez certainement.
Oui, les enfants… j’ai décidé de tourner la page Japon et d’attaquer un nouveau chapitre.
C’est un peu ironique dans le sens où c’est juste au moment où ce blog commence à être lu par beaucoup de fans du Japon. Mais rassurez-vous… j’ai encore plein de choses à vous raconter : 2011, moi prof en maternelle, les hosts, les mariages, les magazines masculins, et j’en passe.
J’ai encore beaucoup de choses à raconter, et comme j’aime mieux raconter les choses avec du recul, je ne posterai peut être pas tout de suite sur ma nouvelle vie.
Tout s’est enchaîné très vite : la paperasse à faire pour le départ, trouver quoi faire de ses affaires, l’envoi de milliers de cartons par bateau (énorme trou dans le budget), courir les banques, la préfecture, les pots de départ.
J’ai été surbooké ces deux derniers mois et je sais que j’ai dû décliner pas mal d’invitation, répondre avec un délai considérable aux emails et j’en passe.
Je suis vraiment désolée.
Je suis aussi désolée de n’en avoir parlé qu’à très peu de personnes, comme jusqu’au dernier moment je n’étais pas vraiment sûre de pouvoir partir, j’ai décidé de ne pas m’infliger un stress supplémentaire de questions sur mes projets.
J’ai travaillé à l’entreprise et à l’école jusqu’au tout dernier moment. Ne presque rien changer du quotidien a fait que je ne réalise pas du tout ce départ, j’ai peur de la claque quand je m’en rendrai enfin compte.
J’ai passé toutes ces dernières semaines à verser ma larmichette à chaque fois que je me disais que c’était sûrement la dernière fois que je faisais telle chose, la nullos.
Lundi 30 septembre 2013 était ma dernière journée à l’entreprise. Malgré ma misanthropie et ma capacité à refuser presque tous les repas dehors avec mes collègues, ils m’avaient préparés des cadeaux, des lettres et un énorme bouquet de fleurs.
J’ai pleuré comme un veau, pire qu’une finale de secret story.
Le boulot, les collègues… on râle, on râle, mais on les aime bien quand même dans le fond.
Jaime-Tyrion semblait être un des plus malheureux.
Mardi, j’ai couru partout fermer mon compte en banque, mon téléphone, payer mes dernières factures, chercher divers papiers, envoyer les derniers cartons et faire les valises.
Et hier, avec moins de dix heures de sommeil au compteur en 3 jours, c’est en pleurant un litre de larmes que mon avion a décollé pour la Corée du Sud.
Je suis venue pour la première fois au Japon en octobre 2003, je le quitte en octobre 2013.
10 ans.
Un énorme chapitre. Avec du bon, du mauvais, mais rien que je ne regrette. Et je reviendrai, de toutes façons.
Je referai certainement un billet faisant le bilan de tout ça aussi.
Bref, me voilà prête à vivre de nouvelles aventures. Tout d’abord quelques mois en Corée du Sud, puis un retour pause en France. Et enfin si tout va bien -la vie est pleine de surprises-, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Après, on verra.
Je vous épargne l’histoire de comment je nous ai foutu à la porte de chez nous à 2h du matin la veille du départ sans pouvoir continuer de préparer nos valises et comment on a dû traverser tout Tokyo en taxi emmerder une amie pour récupérer un jeu, ni comment je me suis fait questionner pendant 1h30 à l’aéroport avant d’embarquer –sans même savoir si on me laisserait monter !- hier soir car je n’avais apparemment pas acheté mon billet d’avion comme il fallait.
Bref, Pierre et Richard partent conquérir le monde.
Ça promet.