J’ai mis le temps mais me revoilà enfin.
Je remercie d’ailleurs au passage tous les gentils qui me suivent via la page FB, Twitter ou commentaires, ça fait plaisir (et flatte mon égo surdimenssionné).
Voici donc enfin l’article concernant ma carrière avortée de professeur de français.
Toutefois, avant de commencer je tiens à préciser que toute ressemblance avec des personnes ayant réellement exis…
Ah non mince attendez, ces boulets existent tous réellement en fait.
Zut, je me plante de discours, attendez je fouille dans mes notes.
Aaah, voilà.
Je reprends.
Oui donc, je tiens à préciser que ce post va relater un bon nombre de mésaventures qui risquent de faire peur à certains d’entre vous et en indigner d’autres pensant que j’exagère.
Alors 1) Pas besoin d’avoir peur, toi qui espères un jour venir enseigner le français au Japon, car la façon dont je m’y suis prise ne m’a pas aidée à faire les bonnes rencontres. En plus je suis une fille et en plus de plus je suis pas très douée pour me faire respecter, donc ce n’est pas parce qu’on m’a largement prise pour une poire que ce sera votre cas. De toute façon vous savez depuis que vous avez lu le post sur mon fameux 14 Juin que je ne suis autre que la fille cachée de Pierre Richard et que plus poissarde, tu meurs.
2) Non j’exagère pas. Jamais. Nan mais. è_é
Donc ne tirez pas des généralités de ce que je vais vous dire plus bas, ce n’est que mon expérience personnelle…même s’il est clair que je vais prendre un pied d’enfer à vous détruire le mythe honteux du Japonais poli, respectueux et honnête. (attendez je m’étouffe en ricanant).
Alors après avoir brouillé les pistes en vous racontant Disney Sea en Juillet 2010, puis une anecdote (qui vous a manifestement fait beaucoup réagir… ! ) datant de 2008, je vous paume en revenant en mars 2010 ! Si vous arrivez quand même à suivre sans être perdu vous gagnez… absolument rien, bien entendu.
Donc mars 2010. Après avoir passé janvier et février à m’installer et prendre le pli de mon nouveau quotidien tokyoïte, il commence à se faire pauvre et être temps de chercher de quoi gagner mon pain. Ou riz.
Ou même chocolat pour être un peu plus proche de ma réalité.
Ayant passé la formation de FLE (Français Langue Etrangère) et enseigner le français au Japon étant le « job facile » je décide de commencer par ça, sans toutefois réellement espérer faire carrière dans le domaine, mes ambitions étant ailleurs.
Mais puisque j’ai fais cette formation et qu’enseigner peut s’avérer intéressant, je décide de me lancer sur cette voie.
Aussi parce que le deuxième job étudiant facile reste serveur dans un établissement français et qu’en toute honnêteté c’est la dernière chose que j’ai envie de faire.
Pour la très bonne et simple raison que quiconque me connaît un minimum sait que je suis Miss Catastrophe, et que j’aurais ruiné le restaurant casse-cou ayant pris le risque de m’embaucher en foutant en l’air à peu près toutes leurs commandes.
Je ne suis définitivement pas quelqu’un faite pour ce genre de job.
Le Japon pullule d’écoles de langues privées proposant des cours particuliers ou en petites classes. Paradoxe, puisque ils ont beaux avoir des écoles de langues tous les dix mètres, les Japonais ne sont pas très réputés pour leurs compétences linguistiques…
Il est donc relativement facile de trouver des écoles où postuler pour peu qu’on se soit tout de même bien renseigné avant et qu’on ne toque pas à n’importe quelle porte.
Car évidemment certaines écoles ne brillent pas par leur honnêteté, les magouilles sont fréquentes (du moins j’en ai entendu pas mal dans mon entourage qui avait choisi cette voie) quand ca ne va pas jusqu’au scandale national comme pour l’affaire NOVA.
Tout n’est pas noir evidemment, mais renseignez-vous quand même savoir où vous mettez les pieds.
Sur une petite annonce postée sur Internet je trouve d’ailleurs une école qui recrute un français disponible pour donner des cours.
Je postule et très rapidement je passe l’entretien suivi d’une simulation de cours qui se passe plutôt bien.
On me dit qu’on me donnera la réponse sous 20 jours ; à peine rentrée chez moi j’avais déjà la réponse, c’était OK.
Au début j’étais plutôt contente, jusqu’à ce que je lise les conditions en détails (expliquées de manière évasive auparavant).
Ils n’avaient pas de classe, je devais choisir le lieu où dispenser mes cours, même à mon domicile si ça me chantait (ben voyons).
Les frais de transport n’étant pas remboursés, je devais prendre en compte ce petit détail pour choisir le lieu.
Ensuite ils me demandaient de m’inscrire sur leur site internet où je devais créer mon compte, mon profil et mon propre blog.
Pas mal d’écoles font tenir un blog à leurs enseignants donc jusque là la démarche ne m’étonnait pas spécialement, mais ils me demandaient aussi de prendre des « jolies » photos de moi et d’en poster régulièrement pour « donner envie ». Si possible des photos « féminines ».
Mouais.
Une photo professionnelle de moi sur un profil, oui je veux bien, mais tenir un blog sur ma pomme, je vois pas trop l’intérêt. Surtout si ce n’est pas en rose.
Ensuite si ils m’avaient dit que je serais payée 2000 yens de l’heure (soit environs 18 euros selon le cours du jour), voilà qu’ils me précisaient maintenant que « dans un premier temps » ils ne me confieraient que les « première expériences gratuites » pour les futurs élèves potentiels et que seulement après leur avoir ramené un certain nombre d’élèves seulement ils me donneraient des « vrais » cours véritablement payé.
Comme c’est commode ça, m’envoyer faire des heures à mes frais pour une durée indéterminée.
Quitte à me prendre en photo régulièrement pour donner envie au premier pervers venu d’apprendre le français autant travailler dans un club à hôtesses, au moins je suis sure que ça rapporte.
Ajoutons à cela que dans leurs inscriptions et règles à deux balles, pas une seule fois ils ne me demandaient mes coordonnées bancaires pour pouvoir me payer mon salaire. L’envie de travailler avec eux est redescendu comme un soufflé…
N’ayant pas le temps (ni l’envie je dois l’avouer) de courir les écoles pour en trouver des fiables, passer des entretiens etc, je décide d’être une dingue dans ma tête et de faire les choses toute seule.
Entreprise qui a ses avantages tout comme ses inconvénients, comme vous le verrez par la suite.
Je commence donc à poster des petites annonces sur les communautés maudites des amoureux de la France sur le net, vais proposer mes coordonnées dans les facultés proposant un cursus de français au cas où certains élèves aimeraient un soutien, dépose mes annonces dans certains restaurants français. Bref je vais déposer mon annonce partout où je suis susceptible de trouver des intéressés.
Je mets une photo de moi correcte, habillée sobre, maquillée mais pas trop, une petite présentation de moi et ma formation,une explication de ma façon de procéder, mon système, et mon mail pour plus d’info.
Au niveau du système :
– Les cours auront lieu dans des lieux publics et fréquentés : cafés ou bibliothèques, l’option de mon domicile ou celui de l’élève étant proscrite d’office. Love hotel ? A considérer selon photo de l’élève…
– La première séance est gratuite.
– A partir de la deuxième séance 3000 yens (27 euros) de l’heure, les frais de transport et la boisson en cas de café à mes frais. Les tarifs école frisant le 6000 yens par heure pour un cours particulier, ce tarif était largement avantageux.
– Réduction pour des cours donné en groupe s’ils voulaient apprendre entre amis ou pour plusieurs heures d’affilées.
L’avantage de procéder comme cela étant que je pouvais gérer mon emploi du temps un peu comme ça m’arrangeait et gagner un peu plus à l’heure qu’en école. Pour peu que je case plusieurs élèves à la suite dans un même café, ça ne me reviendrait pas cher en transport ou consommation.
Très rapidement je reçois une vingtaine de réponses de gens intéressés. Au milieu de ces futurs élèves quelques parasites du même acabi que mon allumée du post précédant « J’ai vu ta petite annonce. Je cherche des amis français, veux tu être mon amie ? ».
Non Simplet je veux pas être ton amie, je veux du fric pour bouffer et me bourrer la gueule le samedi soir, donc bouge de là avant que je te lapide à coup de miettes de pain de campagne.
Je fais le tri parmi les gens intéressés, genre le vieux qui souhaite qu’on fasse cours à son domicile car « il n’aime pas trop les cafés » peut se brosser.
Celle qui veut que j’aille à 50km lui faire le cours gratuit dans un karaoke ( ?? elle a pas trouvé plus bruyant ?) pour l’aider à écrire une déclaration d’amour en français pour son chanteur préféré aussi.
Ils rejoignent directement la corbeille de ma boîte email avec les quémandeurs d’amitié dorée après une réponse leur indiquant avec diplomatie que j’avais trouvé suffisament d’élèves et d’amis pour survivre.
J’arrive à caser une dizaine de leçons gratuites sur quelques jours d’affilés après les cours et est plutôt contente de moi.
Je procède toujours de la même manère pour ces « leçons ». Tout d’abord je propose à l’élève de se présenter, me dire pourquoi il veut apprendre le français, si il en a déjà fait, si oui son niveau, ce qui l’intéresse.
Ensuite suivant ses réponses, je me présente. Si la personne est grande débutante, je me présente en Japonais.
Si elle a un peu de français derrière elle, je dis mon nom, mon age, et la region d’où je viens en français, le reste en japonais.
Si la personne a déjà un bon niveau, je me présente entièrement en français pour tâter le terrain et voir jusqu’où elle peut comprendre et si une discussion en français s’installe.
Pour les grands débutants, j’enchaine ensuite sur une présentation du français en général, une petite leçon démo que j’avais mise au point et qui je dois l’avouer faisait mouche à chaque fois, ils en ressortaient tous ravis.
Pour les autres parlant déjà un peu ou beaucoup, je leur demandais quels étaient leurs hobbies et improvisais sur le sujet.
Toutes mes leçons gratuites se sont bien passées, et quasiment 100% ont désiré poursuivre les leçons.
Heureuse, je me dis que c’est bien parti.
Je suis même motivée, positive, j’y crois.
Quelle gourde je fais.
Le fait est que si j’ai réussi à faire assez de cours pendant quelques semaines pour en vivoter, ça s’est très rapidement dégradé.
Je vous propose un rapide (long en fait) tour de table de mes élèves qui m’ont le plus « marquée » pour vous donner un aperçu de comment s’est déroulé mes 4-5 mois en temps que professeur.
Brigitte :
J’ai décidé de l’appeler Brigitte car je n’ai plus aucun souvenir de son intitulé et qu’elle méritait au moins un prénom moche (pardon à toutes les Brigitte… mais aussi dure que soit la vérité, ouvrez les yeux mesdames).
Elle devait avoir environ 35 ans et venait d’arrêter son travail. Elle avait vécu un peu en France pour ses études et parlait un français impeccable. J’avoue que j’en étais impressionnée. Elle désirait travailler dans une entreprise qui importait du vin français, préparait le plus haut niveau du DELF (examen de français), et voulait donc que je l’aide à le préparer.
Mais elle avait déjà un niveau quasiment parfait et n’avait pas besoin de moi. D’ailleurs très autoritaire, elle me le faisait clairement savoir en refusant que je prépare quel cours que ce soit pour elle ou que je cherche à lui enseigner quoi que ce soit.
Nos heures de cours se passaient toujours sur le même schéma, elle choisissait un texte qu’elle avait déjà travaillé chez elle, me le lisait plusieurs fois et me demandait de corriger sa prononciation. Je lui expliquais les quelques mots ou expressions qu’elle ne comprenait pas, lui relisais le texte pour qu’elle puisse enregistrer la prononciation et le rythme d’un natif… Bref c’était plus un travail de lectrice que de professeur, mais ma foi être payée presque 30 euros de l’heure pour se contenter de lire, on ne va pas s’en plaindre.
Une fois, elle devait préparer un devoir sur l’éducation en France et m’a demandé de lui préparer un cours sur un support vidéo traitant des écoles à problème.
Directement j’ai pensé au film « Entre les murs » que je me suis procurée, et que j’ai regardé tout en préparant un cours et des exercices sur le sujet.
J’ai passé plusieurs heures dessus, en espérant qu’elle serait satisfaite du premier cours qu’elle me laissait préparer, en essayant de proposer quelque chose de complet et susceptible de l’intéresser.
Bien m’en a prit, le jour du dit-cours, elle n’est jamais venue, n’a jamais répondu à mes appels ou emails.
Elle était toujours vivante, car je connaissais son compte mixi où elle se connectait toujours, mais sans me répondre.
Ma première disparue dans la nature. La première d’une longue série.
Charline :
(Finalement j’ai décidé d’attribuer un nom français à tous nos francophiles, suivant ce qu’ils m’inspirent).
Charline c’était une jeune étudiante d’une vingtaine d’années, élève du conservatoire, joueuse de flûte traversière. Manifestement une fille de bonne famille. Nos cours avaient parfois lieu après une représentation où elle était habillée en robe de gala avec un châle de satin sur les épaules… moi et mon jean complexions grandement.
Délicate mais pas précieuse, bourgeoise mais pas pédante.
Elle était très douce, souriante, riait de bon cœur à mes blagues (pourtant aussi vaseuses en japonais qu’en français) et c’était une de mes rares élèves qui soit appliquée.
Elle apprenait le français depuis quelques mois à l’université mais au rythme de deux heures par semaine. Trop lent à son goût, elle qui avait pour projet d’entrer dans un conservatoire en France, et voulait donc avoir un niveau assez convenable pour pouvoir se débrouiller une fois arrivée au pays des fromages.
Je l’aimais bien et j’avais réellement envie de me donner du mal pour elle et lui faire des cours sympas. Je passais parfois des soirées à lui confectionner des cours un minimum ludiques (qui me servaient de nouveau pour les autres) selon le thème qu’elle avait choisi.
Je me souviens par exemple que pour notre leçon sur les repères spaciaux (devant, derrière, à gauche, dans ton cul etc.), j’avais passé une soirée à dessiner une ville à l’identique sur deux feuilles blanches cartonnées, avec son parc, sa station de train etc.
J’avais dessiné des rectangles blancs en guise de bâtiments.
Je lui donnais son plan de la ville vierge, et moi le mien, puis tout en lui cachant ma version, j’écrivais dans les rectangles blancs « Boulangerie », « Ecole », « Poste » etc. jusqu’à remplir tous les espaces vides.
Une fois fini, toujours en lui cachant mon plan, je lui décrivais ma ville et en écoutant ma description, elle devait réécrire sur son propre plan où était placé quoi. A la fin, on se montrait nos deux plans pour comparer et voir si elle avait tout bien placé au bon endroit. Puis on recommençait dans l’autre sens pour qu’elle travaille son expression aussi et c’était à moi de deviner où elle avait placé quoi.
Bref, j’aimais bien lui inventer ce genre d’exercice et lui insérer des blagues dedans.
Elle de son côté semblait apprécier que je prenne la peine d’inventer des jeux et de ne pas me contenter seulement de grammaire et exercices standards.
C’est d’ailleurs pour elle que j’étais le plus heureuse de donner des cours. Il était pas rare qu’on débordait de l’heure de cours pour raconter nos vies comme de vieilles copines. Elle avait même quelques attentions pour moi, genre me ramener des gateaux ou souvenirs de voyage si elle partait en week-end. Bref, de toutes les élèves que j’ai eu, c’est une des rares que j’allais voir avec grand plaisir.
Puis elle a eu les examens de fin de semestre vers le mois de Juin, elle semblait très stressée. Elle a donc espacé nos leçons à une semaine sur deux le temps de finir cette période.
Mais un jour… elle n’a jamais rappelé.
Je lui ai envoyé un message, savoir si elle comptait reprendre nos cours, pas de réponse.
Disparue, elle aussi.
Pour le coup je l’ai mal pris, car elle je l’appréciais vraiment et je la pensais moins légère. Elle n’était pas la seule à jouer au magicien et disparaître d’un seul coup sans prendre la peine de m’avertir mais venant d’elle c’était tellement décevant…
Un an plus tard (soit il y’a à peine deux mois), elle m’a envoyé un message pour me dire qu’elle partait d’ici peu en France, si on pouvait reprendre nos leçons intensivement avant son départ.
La rancœur aidant j’ai répondu un peu sèchement que depuis le temps je n’étais plus étudiante, travaillais à temps plein et donc ne donnais plus de cours depuis un moment ni n’avait envie d’y consacrer le peu temps libre dont je disposais.
Elle m’a répondu en s’excusant platement. Qu’elle avait cédé au stress de son école très stricte et la pression énorme de ses parents et qu’elle était tombée en grave dépression, n’était plus sortie de chez elle pendant des mois et avait même été hospitalisée…
Qu’elle aurait dû me répondre, me dire au moins qu’elle cessait nos cours un temps.
Je me suis sentie mal.
C’est vrai qu’en y repensant les dernières fois que je l’avais vue elle avait l’air pas mal amaigrie et moins bien dans ses baskets.
Je m’en suis voulue de lui avoir répondu sèchement, d’autant plus qu’elle je savais qu’elle n’était pas comme les autres glandus venus me parasiter. De plus, moi aussi j’avais passé de longs mois à déprimer et comprenais parfaitement l’envie de se retirer du circuit.
Pour me rattraper, je lui ai présenté un ami français donnant des cours pour qu’il prenne ma place et qu’elle puisse avoir ses cours intensifs.
Je n’ai pas pris de ses nouvelles depuis mais j’espère qu’elle va bien, c’est la seule dont je me soucie encore un peu.
Jean-David :
Jean David n’a pas grand rôle dans l’histoire, il est venu à 3-4 cours puis est reparti dans sa spirale de mec ocuppé et je ne l’ai jamais revu lui non plus.
Il mérite juste ces quelques lignes pour un point : sa coiffure.
Le genre de coiffure magique qui pique les yeux, qui vous titille les zygomatiques, qui vous fait glousser bêtement secouant subrepticement les épaules de votre corps, que vous essayez pourtant de maintenir raide pour ne pas qu’on remarque que vous vous foutez irrésistiblement de sa gueule.
Déjà il avait transgressé une des lois principales de la Fashion Police : il était permanenté.
Et un Japonais permanenté comme un mouton, ça devrait être interdit. Si ils sont nés les cheveux raides, c’est bien parce que Dieu savait qu’ils ne ressemblaient à rien une fois bouclés.
D’ailleurs dès que les Japonais auront épuisé toute leur population au poste de 1er ministre et que ce sera mon tour faute de choix, c’est une des premières réformes que je ferai. Le premier Japonais qui fini déguisé en Nelson Monfort finira au cachot.
Outre sa permanente immonde sur des cheveux décolorés marron chiasse douteux, il a transgressé une AUTRE loi fondamentale de la coiffure.
Il avait la coupe au bol.
Et la coupe au bol permanentée… ça ne pardonne pas.
Quand je l’ai vu arriver pour notre première leçon gratuite, une larme a coulé au coin de mon œil droit. Comment allais-je faire pour ne pas lui exploser de rire au visage ?
Dieu étant cruel, il a poussé le vice plus loin.
Lors des présentations je demande à Jean David son métier.
« Je suis coiffeur ».
Ah.
Charlot :
J’ai hésité longtemps avant de me décider sur le prénom à atribuer à cette fouine mais je crois avoir trouvé ce qu’il fallait. Il avait vraiment l’air du petit rigolo de service. Et quand je dis petit, ce n’est pas qu’au sens figuré… Si les Japonais ont déjà la réputation d’ étre petit, lui était minuscule. Le genre de Yorkshire humain qui restent invisibles du haut de mon mètre soixante quinze.
Relativement jeune il devait avoir à peine la trentaine et travaillait dans un restaurant.
Italien, pas francais.
Il ne s’intéressait d’ailleurs pas spécialement à la France. N’y était jamais allé. N’avait pas l’intention d’y voyager non plus.
Vous vous posez donc sûrement la même question que j’ai fini par lui poser : mais pourquoi apprendre le français alors ?
La réponse est sans appel et synonyme d’emmerdes : eh bien j’ai vu ta photo sur l’annonce alors je me suis dis pourquoi pas.
…Et merde.
J’avais pourtant réussi à éviter par email ceux qui semblaient plus intéressés par se trouver une femme qu’apprendre à conjuguer des verbes à l’imparfait du subjonctif, mais lui il était passé entre les mailles du filet.
Et comme tout petit rigolo de service – en mode drague qui plus est – il était bien lourd. Pas concentré pour un sous (même pas pour 3000 yens de l’heure), il finissait toujours par me parler d’autre chose, me demander de parler avec l’accent d’Osaka (bonjour, je suis un phénomène de foire) car c’était drôle et me disait que c’était ennuyant si on revenait au cours…
Oui mais t’es venu pour ça banane !
Malheureusement, comme il était un des rares élèves assidus et ajoutait 30 euros à mon budget de la semaine, j’acceptais de sacrifier une heure de mon temps pour lui, quoi qu’il m’en coûte nerveusement.
J’esquivais ses questions dérangeantes sur ma vie privée et revenais tant bien que mal à nos adjectifs qualificatifs. Résultat : au bout de 4 mois et demi, il n’était toujours pas fichu de conjuguer le verbe être au présent de l’indicatif et ne comprenait toujours pas la différence entre article défini et indéfini.
Joli.
Je l’ai donc inscrit sans scrupule au guiness de mes cancres.
Il faisait toujours mine de vouloir me raccompagner après nos leçons, j’avais donc pris le pli de toujours caser au moins un cours après lui pourqu’il n’ai plus qu’à se casser bien docilement. Au début il restait jusqu’à ce que le prochain élève arrive, même si ça devait prendre une heure et même si je lui disais que j’avais des devoirs à faire pour l’école. « Non mais je vous regarde seulement, vous pouvez travailler je derangerai pas ! » qu’il me disait d’un sourire niais et beat.
Bougre de nain jaune.
Je finissais donc par toujours caser un cours 5 min après le sien, ce qui semblait le contrarier mais qu’on s’entende bien : il pouvait toujours aller se faire foutre.
Malheureusement une fois le cours d’après fut annulé et je me retrouve libre comme l’air. Ça tombait bien, j’avais des courses à faire. Le cours se termine, je ramasse mes affaires et m’apprête à m’en aller.
« Vous n’avez pas de cours après cette fois ? »
– Non.
– Vous allez faire quoi ?
– J’ai des courses à faire.
– Super ! Je vous accompagne !
Bêtasse que je suis j’en reste comme deux ronds de flan et ne proteste pas malgré le cri « NOOOOOOOOOOOOON » désespéré qui resonne dans ma tête.
Je pars acheter des livres, il me suit partout comme un petit chien, heureux comme un pape, et surtout semble interpréter ce shopping forcé comme un rendez-vous galant.
No way.
D’autant plus que du haut de son mètre quarante les bras levés, on dirait plutôt que je promène le chiard de la voisine. Dès qu’on sort de la librairie je lui dis que je vais devoir le laisser car maintenant j’attends quelqu’un qui va me rejoindre et me dirige donc vers la gare.
Il me colle aux basques en aboyant et remuant la queue, me disant qu’il attendra avec moi.
Heu… C’est a dire que mon rendez-vous il est fictif coco, donc si t’attends le vent avec moi on ne va pas aller bien loin.
Il me regarde avec ses yeux de merlan frit, je décide de l’achever d’un nouveau mensonge : j’attends un homme et je n’ai pas envie qu’il me voit en compagnie d’un autre.
Ma mythomanie porte ses fruits, son visage se décompose littéralement. Il est parti comme si il avait été trahi ou je ne sais quelle autre connerie. On croit rêver.
La semaine d’après, il m’a demandé sur un ton de reproche si je m’étais bien amusée à mon rendez-vous galant.
Comment te dire, grand (enfin petit) dadais, que ma vie est tellement PLATE que je m’invente un prince pour que tu me lâches et que je suis en fait rentrée tranquillement chez moi après ?
Après ce cours-là, j’ai décidé de mettre fin à nos cours. Je commençais à fatiguer de lui et des autres guère mieux et commençais à envisager un autre moyen d’avoir un revenu.
Si on en vient à même plus pouvoir aller acheter des livres tranquilles…
Carla :
Carla c’était un peu le prototype de la Japonaise capricieuse accro à la France pour des marques comme je vous ai présenté gentiment dans le post précédent. À part qu’elle était beaucoup plus jeune et beaucoup plus riche.
Je vous épargnerai donc ses commentaires débiles sur la France ou l’image parfois erronée qu’elle en avait.
Elle devait aller en France au début du mois de Juillet pour accompagner sa mère à la Japan Expo qui y était invitée pour une exposition de kimono. Elle désirait donc des cours intensifs, 8h par semaine pendant tout le mois de juin.
Waouw, le jackpot ! 8h par semaine pendant un mois avec UNE personne !
Bon le truc, c’est qu’il faut pouvoir les caser, je décide de bousculer un petit peu mes autres élèves en leur demandant de changer leurs horaires habituels temporairement, voire d’en annuler un ou deux. Eux me font toujours le coup alors hein.
Elle voulait apprendre à faire du shopping, je passais donc les heures à lui parler de jupes, de prix, de chaussures a talons…
La première semaine de 8 h, elle a juste annulé 2h car elle avait un rhume. Au téléphone elle avait l’air réellement malade, soit. Et commençant à connaitre mes élèves, j’aurais trouvé bizarre qu’elle n’annule pas au moins un cours.
On repart le lundi suivant avec nos deux heures, elle semblait allait mieux, tout va bien dans le meilleur des mondes, on se quitte en se disant à demain.
Sauf que le lendemain, elle n’est pas venue.
Sans coup de fil, sans message et sans répondre aux miens bien entendu. Elle aussi, entrée dans le cercle des poè… élèves disparus.
On devait faire 5 semaines de 8 h, elle a tenu 8 jours avant de me mettre un vent magistral, alors que j’avais bousculé mon emploi du temps et annulé d’autres choses pour elle.
Les premiers jours de juillet, un email me réveille à 3h du matin. C’était elle.
« Je suis en France là ! C’est super et si élégant ! (…) Pour la Japan Expo on m’a proposé de m’interviewer mais je ne sais pas m’exprimer ! Pouvez-vous me traduire le texte ci-dessous ? » Suivi d’un texte à traduire.
Pas de bonjour, pas de desolée pour la dernière fois, pas de prise en compte du décalage horaire et qu’elle me réveille en pleine nuit pas de merci, rien.
Pour une raison absolument stupide (j’ai de la ressource dans le domaine) je lui ai envoyé sa traduction. Elle n’a pas dit merci ni même répondu.
Trois jours plus tard, de nouveau en pleine nuit, elle m’envoie « J’ai besoin de cette traduction la aussi ! » suivi d’un nouveau texte.
J’aurais dû crier à cette infame boucanière d’aller se faire mettre, mais vous me connaissez, je suis un bisounours.
Je me suis contentée de ne pas répondre et de la maudire sur neuf générations.
Kevin :
Le cas Kevin… Car oui c’était un cas.
J’appréhendais déjà un peu de le rencontrer car ses mails se résumaient toujours à des monosyllabes énigmatiques reflétant bien son caractère autiste mais… Il restait correct et si je me mettais à refuser tout le monde de bizarre j’allais pas aller bien loin.
Surprise quand il est arrive pour sa leçon gratuite ; c’était un ado ! À peine 16 ans.
Il portait d’énormes lunettes de soleil qui lui cachaient la moitié du visage et ne les enlevait quasiment jamais. Même dans le café et même pendant que je lui donnais nos cours.
Ce qui, je ne vous le cache pas, me déplaisait complètement et me mettais plutôt mal a l’aise. Une fois je lui ai demandé d’enlever ses lunettes, il les a enlevé en soupirant lourdement et les a remis environ deux minutes plus tard. J’ai laissé tomber.
Fumer et me recracher la fumee de cigarette en plein nez semblait aussi une de ses attractions favorites. Quand il ne jouait pas avec son portable sous mon nez…
Le gredin.
Et quand je parle de gredin, je parle de la pire espèce qui soit. Le bougre était… un grand fan des AKB48 ! ARRRGGRHH ! LUI AUSSI AU CACHOOOT !
Donc pour les ignares en nippologie (genre ma mère, ma soeur, mes cousines… on ne choisit pas sa famille que voulez-vous, même si pour le coup elles ne loupent rien), les AKB48 c’est un groupe de « musique » composé de 48 dindes de dix-sept piges, habillées en uniforme de lycéenne à ras la salle de jeu, chantant de leur voix nasillarde tout en tachant de montrer leur culotte dans des chorégraphies de bas étage.
En gros ça donne, ça :
Outre le côté moyen de voir des gamines à moitié à poil se faire des câlins et des bisous sur la bouche dans un décor qui se veut innocent, le producteur a fait un gros coup de business avec ses 48 nanas dans un seul et même groupe puisqu’elles sont juste partout. 48 idoles, imaginez combien de pub ça peut couvrir ça ! Cinq AKB pour la pub des ordinateurs portables HP, quatre sur votre jus de légumes, une dizaine sur vos bonbons, encore quatre autres sur mon repas à emporter… J’attends avec effroi le jour ou je verrai leur gueule me sourire niaisement sur mon PQ, et croyez-moi ce n’est pas impossible.
Si elles me laissaient indifférentes avant d’être au Japon et que je m’en moquais juste par principe, aujourd’hui je ne peux plus les encadrer. Je ne fais pas un pas dans la rue sans voir leurs tronches de poney ou leur soutien-gorge.
Et lui était fan donc. Mais le fan qui fait peur. Celui qui a des photos de sa préférée partout, met son nom partout, la traque.
Un jour après son cours il part dans la même direction que moi et on se trouve donc forcés de discuter quelques minutes. On voit un bus publicitaire des AKB48 passer et nous polluer auditivement de leur dernier single à fond.
Lui : Dans ce single, il y a un ticket pour pouvoir aller à la dédicace, je pourrai toucher la main de celle que j’aime et tout.
– Ah je savais pas qu’elles faisaient une dédicace (fait semblant de s’intéresser).
– Vous connaissez les AKB48, vous aimez bien ?
J’avale de travers et m’étouffe.
– Heu moi je connais pas trop… Par contre je connais une Nullos (qui n’est absolument pas mon amie !) qui aime bien.
– Ah ouais ???? *yeux avides flippants* Je pourrais lui donner un CD si vous voulez.
– Oh, garde tes CDs ils sont à toi. En plus elle en a surement plein.
– Ouais mais j’en ai 12 en tout.
– Bah comme tu veux mais en tant que fan ça te fait pas chier de donner tes CDs ?
– Bah je m’en fous, 12 fois le même ça me sert à rien.
– 12 fois le même ?
– Bah ouais, je veux le ticket pour rencontrer ma chérie dedans. Comme ça le jour de la dédicace, je peux repasser 12 fois et lui serrer 12 fois la main.
Ah…
Au-delà de son côté fan psychotique, lui il apprenait le français pour… entrer dans l’armée française. Ah… Il ne s’intéressait pas pour un sous à la France ni au français. D’ailleurs même l’armée de l’intéressait pas, juste il ne voulait pas travailler, pas devenir salaryman mais avoir de l’argent, voulait être à la retraite tôt et surtout… il aimait bien les jeux vidéo de guerre.
Ah bah oui, si t’aimes tuer du soldat sur ta télé un paquet de chips entre les jambes, ça me parait tout indiqué comme carrière…
Pourquoi l’armée française ? Parce que c’est « la plus bidon à rentrer ». Vu les motivations du minot, je me doutais bien que nos cours allaient rapidement titiller mon système nerveux mais j’ai tenté le coup quand même. Ne serait-ce que pour avoir quelque chose à vous raconter ensuite.
Il n’allait pas au lycée, mais ses parents – manifestement très riches – avaient payé l’établissement de sorte qu’il en sortirait forcément diplômé. D’ailleurs ses parents réclamaient un cv, une explication de mes tarifs et une sorte de lettre de motivation pour qu’ils acceptent de me prêter leur freluquet de fils 2h par semaine pour 5000 yens.
Pourtant, le jour de la première leçon payante, il m’annonce qu’en fait il ne pourra pas rester 2h (Et pourquoi ? Tu glandes rien d’autre de tes journées…) mais qu’on fera 1h30 pour seulement 4000 yens. Bien.
Seulement bizarrement, à chaque fois la somme préparée par ses parents était un billet de 5000 comme prévu initialement pour les 2h et je devais lui rendre la monnaie… Je l’ai donc fortement soupçonné de dire à ses parents qu’il faisait 2h de cours pour s’octroyer 30 min de libre et empocher tranquillement la différence de 1000 yens…
Je me trompais peut-être mais j’en doute. Après personnellement même si j’aurais préféré faire la demi-heure pour empocher mon billet, qu’il arnaque ses parents n’était pas mon problème et je n’ai donc pas cherché plus loin.
Il faisait aussi partie des rares réguliers à être là chaque semaine et c’était toujours ça.
Après deux mois et demi à lui donner des cours derrière ses lunettes de soleil tout en esquivant ses volutes de fumée, il arrive un jour ou à la fin du cours il m’annonce qu’en fait il a oublié son portefeuille et n’a pas les 4000 yens, mais qu’il me les préparera la semaine prochaine.
Je trouve ça moyen de sa part de me le dire après le cours mais comme de toute façon je le vois chaque semaine, je passe l’éponge.
Évidemment, je ne l’ai plus jamais revu. J’ai tenté de le faire payer mais au bout d’un moment il m’a bloqué de son téléphone pour que je ne puisse plus le joindre.
J’avais le numéro de fax de ses parents puisque j’y avais envoyé mon cv et la lettre qu’ils demandaient alors ma mère voulait je les contacte ne serait ce que pour leur dire que leur fils était malhonnête. Mais comme je suis stupide, je me suis contentée d’être une fois de plus déçue du genre humain et de tourner la page.
Norbert :
Un de ceux qui m’a le plus traumatisée je ne vous le cache pas.
Ca a été un de mes tout premiers élèves. Je n’aime pas juger sur le physique (quoique… ) mais lui m’a mise très mal à l’aise dès la seconde où je l’ai vu. Pour une raison obscure, même physiquement il avait quelque chose qui m’inspirait… rien qui vaille. Du dégout aussi un peu.
Déjà il sentait très mauvais. Mélange de transpiration et… d’un je ne sais quoi de dérangeant. De transpiration et de sale.
Il n’était pas vieux, à peine la trentaine mais avait déjà les cheveux pas mal clairsemés et le crâne toujours luisant de transpiration. On était pourtant en mars et ses 10 degrés…
Il était cuisinier dans un restaurant français. Bizarrement il avait toujours les mains sales. Abîmées aussi. Le métier de cuisinier étant ce qu’il est, pas étonnant qu’il ait des blessures aux mains mais lui elles étaient vraiment sales aussi… les ongles noirs, les mains… comme si elles étaient tâchées de terre… C’était vraiment étrange.
Un cuisinier n’est pas plutôt censé avoir les mains propres ? Bref, manifestement l’hygiène n’était pas son point fort (ni le français d’ailleurs).
Quand il m’a appris qu’il était spécialisé dans la confection de pâté et que c’était sa passion, je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer une histoire sordide d’homme cherchant à apprendre le français pour impressionner ses victimes et les assomer d’un coup de pelle au détour d’une ruelle sombre. Il prélèverait les chairs pour en faire du pâté d’humain qui ferait un carton dans son restaurant et enterrerait le reste de ses victimes dans son jardin, d’où traces de terres sur ses mains et les ongles noircis (mélange de sang et de boue).
Une vie bien stressante qui ferait perdre ses cheveux à n’importe qui et transpirer du crâne…
Tout se tient, on a notre homme.
Attendez, je vais proposer mon scénario pour Saw 28, je reviens.
Voila (il sera en salle l’an prochain).
En plus de tout ce que je vous ai dit plus haut, il avait un problème de diction qui rendait incompréhensible tout ce qu’il disait que ce soit en français ou en japonais. Pratique, me direz vous.
Lié à ce problème de diction ou non, il avait toujours de la salive qui s’accumulait en mousse blanche au coin des lèvres et évidemment je bloquais dessus sans parvenir à me concentrer sur autre chose…
Outre ce charmant portrait, je n’étais pas tout à fait sure qu’il venait exclusivement dans un souci d’apprendre la langue de Molière. Il prenait toujours soin de me poser plein de questions personnelles dont –environs toutes les deux semaines pour vérifier – si j’avais un petit ami, si j’aimais les Japonais, et j’en passe.
J’évitais de venir maquillée ou apprêtée, sinon il passait 10min de son cours à me dire combien j’étais belle, et que je devais avoir beaucoup de prétendants au Japon (« et d’ailleurs vous avez toujours pas de petit ami ? »).
Il lui arrivait parfois de me préparer des déclarations d’amour en français qu’il me récitait à la fin du cours.
La première fois m’a surprise, je rangeais mes affaires et je le voyais qui me fixait et me sors sourire (et mousse de salive) aux lèvres : « Je t’aime passionément, mon chérie ».
Feignant la professeur tatillonne j’ai juste corrigé son « mon » en « ma » , en soulignant toutefois que si il avait une préférance pour les « mon », les Japonais étaient très appréciés dans la communauté gay en France… Ca l’a calmé pour ce jour là mais ne l’a pas empêché de recommencer les semaines suivantes.
Par la suite, je ne répondais pas trop ou lui demandait si il apprenait tout ça pour draguer en France.
Sa réponse : oui, il faut bien que je me marie si je veux un visa.
C’était donc cela…
Allez viens coco, je t’inscris à l’Amour est dans le pré si tu veux, tu feras des pâtés dans une ferme avec des morts plein ton jardin et on te trouvera une Guilaine qui te donnera ton visa.
Mais moi tu m’oublies, OK ?
Si on passe toutes les choses déplaisantes qu’il m’inspirait, il valait guère mieux en tant qu’élève.
On ressassait quasiment toujours les mêmes leçons, ça rentrait par une oreille et ça ressortait pas l’autre, j’aurais pissé dans un violon que j’aurais pas obtenu mieux.
Il étudiait pourtant depuis 4 ans plusieurs heures par semaine dans des écoles privées en plus des cours que je lui donnais.
Mais plus que tout ce qui m’exaspérait, était qu’il était quasiment toujours en retard. Les premières fois de 10min, puis 15, puis 30… Il arrivait parfois avec des traces sur le visage.
« Je faisais une sieste ! »
Ah ben tu m’étonnes, avec le tampon de l’oreiller sur ton front autant avouer et ne pas me sortir que t’avais piscine hein.
Je sais que le métier de la restauration est fatiguant, d’autant plus au Japon. Ils n’ont qu’un jour de congé par semaine, et des horaires de fous à côté. Je peux comprendre qu’il était fatigué… mais parfois je pense honnêtement que j’aurais préféré qu’il annule complètement plutôt que de me faire perdre mon temps régulièrement en arrivant en retard et… très souvent pour finir sa nuit pendant notre cours.
Oui, régulièrement il s’endormait pendant notre cours.
Autant piquer du nez dans un amphi de 200 personnes pendant un cours de linguistique me parait inévitable, autant sur un petit cours d’une heure en cours particulier je trouve ça fortiche. Voire inadmissible.
Surtout quand vous êtes en plein dialogue et que vous voyez les yeux de votre interlocuteur rouler, loucher, se fermer et sa tête aller cogner directement en plein dans le mur pour qu’il se redresse l’air de rien devant mon air blasé.
Le pire dans cette affaire étant qu’il refusait d’admettre qu’il s’endormait.
« Attendez, je ferme les yeux pour mieux réfléchir ».
Et moi je suis la reine d’Angleterre.
Ce qui donnait parfois de grands moments de n’importe quoi tellement il était dans le cirage, comme par exemple l’inoubliable cours sur l’heure.
Je lui demande l’heure qu’il est : rouli bouli d’œil vitreux, balancement dangereux de tête, paupières qui se ferment et filet de bave au coin de la bouche.
Moi qui m’impatiente « Vous m’écoutez Norbert ?! Je vous ai demandé l’heure ! Quelle heure est il ? »
– L’année prochaine.
Ok Doc, cesse de faire le malin avec ta DeLorean volante et reviens en 2010 sur le champs.
Une fois j’ai fini par le laisser dormir en sirotant mon lait, après tout c’est lui qui paie, pas moi tant pis si le compteur tourne. Marre de me battre avec la Belle aux Bois Dormants moi.
D’autant plus qu’il refusait d’admettre qu’il dormait, je suis naïve, certes, mais faut quand même pas trop me prendre pour une buse.
Vous devez vous demander pourquoi je n’ai jamais cessé les leçons avec lui malgré tout ce qu’il m’inspirait et le déroulement moyen des leçons.
Tout simplement car les Japonais sont très sujets aux annulations de rendez vous et qu’il était le seul, malgré ses retards et ses roupillons, à être là chaque semaine et m’assurer mes 3000 yens.
Mais est venu l’apothéose où il m’a sorti tous ses vices sur une heure.
Déjà il était en retard et ne répondait pas au téléphone.
Il a fini par m’appeler au bout de 15min pour me dire qu’il avait oublié son porte-feuille à la maison et avait du aller le rechercher.
Bizarrement il me disait ça avec la voix pâteuse de quelqu’un qui venait de se réveiller…
Putain mais ça t’arrive de dormir la nuit ? Arrête de tuer des gens pour faire du pâté en croûte, tu verras ça repose !
Arrivé avec 50min de retard, la coupe est pleine je lui dis que cette fois je ne lui ferai pas 1h entière car il prend trop sur mon temps à chaque fois et que de toute façon un autre cours est prévu un peu plus tard. Je lui ferai donc sa leçon jusqu’à ce que la personne suivante arrive.
Il accepte mais semble contrarié (Oh, c’est qui qui poireaute toutes les semaines ?).
En seulement 20min de leçon, il arrive quand même à s’endormir.
Putain il est victime de la mouche Tsé Tsé ou quoi ? C’est quoi son problème ?
Excédée, je tape des mains devant son visage pour le réveiller et lui dit sèchement d’aller se passer de l’eau sur le visage pour émerger ou de rentrer chez lui mais qu’il va falloir qu’il arrête de me faire perdre mon temps.
Docile, il va se rincer le visage à l’eau froide et revient avec un sourire gêné « Je suis fatigué dernièrement.. » . Oui ben alors arrête d’enterrer des gens la nuit, dors fais quelque chose.
Ou annule nos cours, tout simplement.
« Mais je veux vous voir ! »
Il part en semi-déclaration. Alors que j’hésite à m’ouvrir les veines avec ma cuillère à café pour me sortir de là, mon élève suivant débarque, je décide donc d’honorer cette diversion en saluant mon élève plutôt que de répondre à ses déclarations gênantes.
Il comprend qu’il est temps qu’il foute son camp.
Il prend le ticket de caisse pour régler sa propre consommation, me laisse le nouveau ticket édité pour que je règle ma consommation quand je m’en vais.
Ce n’est qu’une fois qu’il était bien loin que j’ai vu que cette sale vermine s’était vengé en réglant mon lait chaud à 250 yens et en me laissant à payer sa coupe glacée de saison à 750 yens.
Arnaque de 5€, j’ai eu pire quelques lignes plus haut mais la technique est fourbe et lâche.
Evidemment, il n’a plus jamais redonné de nouvelles après ce coup bas et décidé de disparaître à son tour.
Grand bien lui fasse.
Au moins, je n’ai pas fini en pâté.
Voilà en gros pour les meilleurs profils de mes élèves. J’aurais aussi pu vous parler de Catherine qui apprenait le français car elle vouait un amour sans borne au champagne (on appelle ça en d’autre termes l’alcoolisme mais restons naïfs). Elle avait arrêté son travail pour être serveuse dans un bar à champagne et pouvoir en boire tous les soirs. Elle se payait aussi un voyage en France tous les ans pour faire la tournée des caves et boire comme un trou. Elle le disait elle-même dans ces termes. Difficile d’ailleurs de faire une phrase sans parler de champagne.
J’aurais aussi pu vous parler en détail de Stanislas qui se décrivait comme un coach de vie mais qui semblait surtout être gourou d’une secte qu’il avait créée où il s’en mettait plein les fouilles (mais il était réglo avec moi, et ne cherchait pas à m’endoctriner dans son truc chelou alors…). Il m’a payée une heure par semaine pendant des mois pour que je lui apprenne à bien saluer. Non, pas pour apprendre le Français, juste pour connaître toutes les expressions de politesse et pouvoir se montrer extrêmement poli durant son voyage de vacances prévu quelques mois plus tard. L’important était juste d’impressionner le réceptionniste de l’hôtel et la caissière d’Auchan quand il leur dirait « Bonne journée ».
Faire répéter « au revoir » en boucle à quelqu’un pendant une heure peut avoir des effets sur votre mental proche de certaines substances illicites, sachez-le.
Il avait prévu un coup d’éclat en allant au Château de Versailles en véritable kimono pour qu’on lui adresse la parole et se faire des amis.
J’aurais réellement voulu écouter le récit de cette épique péripétie mais malheureusement j’ai décidé d’arrêter de donner des cours avant…
J’aurais enfin pu vous parler de Jean, que j’ai évoqué brièvement dans le post sur les sorties étudiantes de mon école, lui étudiant de la célèbre université de Keio. Lui était une sorte de mélange de Charlot et Norbert, manifestement largement motivée par l’envie de se dégoter une Européenne pour frimer devant les copains. Il m’a manqué de respect d’ailleurs plusieurs fois en me disant par exemple que j’étais quelqu’un de radin et près de mes sous pour facturer 3000 yens de l’heure (alors que je lui faisais un prix à 2000….). Et lui aussi m’a arnaqué sur le prix lors du dernier cours que je lui ai donné.
J’en ai encore eu pas mal d’autres qui, s’ils ne méritent pas un prénom en français et leur anecdote ici, étaient plus ou moins de la même trempe. Souvent en retard, souvent sujet à annuler les cours juste avant l’heure voire à ne pas venir.
Les annulations étaient réellement récurrentes, plusieurs fois par semaine. Mais il arrivait aussi qu’on me demande des cours a la dernière minute, voire qu’on oublie de respecter ma vie privée en m’envoyant des messages à 2h du matin (merci Charlot).
Donc voila, j’en ai eu ma claque.
Au bout de 4-5 mois j’en ai eu marre de vivoter et m’adapter aux humeurs de tous ces sociopathes ingrats, et j’ai donc décidé d’arrêter pour chercher un véritable baito (petit travail).
Pour conclure cet article qui est déjà bien assez long (vos yeux piquent, je sais), je conseillerai à ceux qui veulent enseigner le français : déjà d’être moins con que moi, mais ça ce n’est pas bien difficile.
De bien choisir si vous préférez le faire à votre compte ou pour une école, de peser les pours et les contre. Personnellement je savais que je ferais ça juste temporairement donc je me suis permis de faire les choses à ma guise, mais il est évident que c’est un minimum plus stable dans une école. Déjà comme les élèves payent, ils annulent moins à la dernière minute et ne se permettent pas de disparaitre du jour au lendemain. Après renseignez-vous pour connaitre de bonnes écoles qui ne vous arnaqueront pas à leur tour.
Enfin pour ceux qui veulent faire ça pour eux-mêmes comme moi, établissez bien vos règles dès le départ concernant les retards et les annulations quittent à faire payer quand même, soyez plus fermes et vous laissez pas marcher dessus. Essayez aussi peut être de trouver des élèves dans votre entourage, des amis d’amis ou autres, ils seront certainement moins irrespectueux.
De toute façon, quand je vois les superbes cours de français dispensés à la télé nippone, je me dis qu’ils n’avaient pas vraiment besoin de moi…